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Je n’accédai ni à l’un ni à l’autre de ses désirs ; mais il eut de moi une très belle étoffe et ne me donna rien en retour. Il me témoigna cependant beaucoup de bienveillance, m’assurant que, dans le pays, on considérerait toujours comme une grande année celle où était arrivé le premier blanc qu’on y eût jamais vu.

Des esclaves, appartenant à des Arabes, et représentant leurs maîtres, étaient là, ainsi que des Vouanngouana[1] pour faire du commerce. Il y avait aussi un homme de la Mrima qui était parti de Bagamoyo peu de temps après ma bande, et de l’Ounyanyemmbé en même temps que nous. Il était venu directement à Akalonnga, en traversant le lac au village de Makakomo, et était arrivé depuis un mois.

L’un des Vouanyamouési de sa caravane se mit à parler des Portugais ; c’étaient, disait-il, des gens comme les Vouasoungou ; ils demeuraient sur la côte et avaient deux grands chefs ; le plus puissant des deux était une femme appelée Maria — évidemment la sainte Vierge — et ils avaient des maisons où se trouvait l’image de cette femme. L’autre chef s’appelait Moénépouto, ce qui est l’appellation africaine du roi de Portugal.

Malgré son importance, Akalonnga n’avait pas d’œufs, pas de volailles, pas de lait à me céder ; pas même de bananes mûres, la banane étant mangée en vert par les habitants, qui la font cuire. Mais le sorgho abondait, et il fut aisé d’en faire provision pour tous mes hommes.

Je dirai à ce propos que les greniers de ces parages méritent d’être mentionnés. Ils sont bâtis sur un pilotis qui les place à trois pieds de terre, ont de quatre à douze pieds de diamètre et jusqu’à vingt de hauteur, indépendamment de la toiture. Ceux dans lesquels se met le vieux grain sont crépis et ont, pour entrée, une petite ouverture pratiquée sous le toit. On arrive à cette porte au moyen d’un tronc d’arbre entaillé de distance en distance et qui sert d’échelle. Pour le grain nouveau, la tourelle est à claire-voie, ce qui, permettant la circulation de l’air, empêche le grain de s’échauffer.

Beaucoup de femmes du village portaient le même costume que celles de Kassanngalohoua, et comme ces dernières, elles manquaient même de l’apparence de mamelon qui se voit chez les autres négresses : elles n’avaient qu’un trou. Je m’en étonnai ;

  1. Natifs de l’île de Zanzibar. (Note du traducteur.)