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des anciennes villes de l’Amérique centrale, qui ont peu d’étendue et sont suivies de masses rocheuses, présentent le même aspect.

Nous aurions dû atteindre ce jour-là un grand village situé en face de nous ; mais exaspéré de la mollesse de mes rameurs, il me fut impossible de rester plus longtemps dans le bateau, et je fis dresser ma tente.

Les petites misères de la vie quotidienne ajoutent singulièrement aux duretés du voyage. Les privations, les fatigues, les obstacles, les maux sérieux, tout cela paraît naturel ; on le supporte ; mais être contrarié, contrecarré sans cesse, vous agace et vous irrite plus que de raison. En pareil cas, la pipe est d’un grand soulagement, et j’avais dit à mon domestique de m’apporter la mienne dès qu’il m’entendrait crier après quelqu’un.

Depuis mon départ de Kahouélé, mon travail avait été à la fois très ennuyeux et très fatigant, par suite de l’attention constante qu’il me fallait pour éviter les erreurs, par suite de la peine que j’avais à faire comprendre mes questions, et à obtenir des réponses, qui alors même qu’elles étaient précises, devaient toujours être contrôlées avec soin.

Ainsi, une hauteur se découvre, j’interroge ; on me répond que c’est une grande île appelée Kahapionngo ; j’en fixe la position. Arrivé sur les lieux, je trouve un groupe d’îlots, dont celui qui m’était désigné comme une île importante avait cinq ou six habitants.

Jamais les guides n’ont pu me nommer les endroits près desquels nous passions ; et ils n’avaient qu’une idée très confuse de la côte, qu’ils avaient pourtant suivie mainte et mainte fois. Les connaissances locales, chez eux, étaient surprenantes ; mais ils semblaient incapables de saisir l’ensemble, de concevoir une idée générale. Ma carte leur paraissait une chose merveilleuse ; ils la regardaient avec ébahissement ; et quand je leur eus dit que, par elle, les Anglais connaîtraient le Tanganyika, sa forme, son étendue, les noms et les positions des villages qui l’entourent, les rivières qui s’y jettent, ils me prirent pour un grand magicien. Ma prédiction de l’éclipse, que je leur annonçai d’avance, les confirma dans l’idée qu’ils se faisaient de ma science magique.

Le grand bras de vingt milles qu’on m’avait annoncé était un mythe ; je crois cependant qu’une rivière considérable se jette