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dèles et non empoisonnées. Les couteaux ont la forme d’un fer de lance.

Autrefois, le district produisait des quantités considérables de grain. J’ai vu les houes qui alors étaient en usage, le fer en est énorme, plus large que celui des bêches dont se servent les jardiniers anglais. Mais la plupart des naturels ont été tués par les Batouta, et les survivants n’ont plus aujourd’hui ni habitations ni cultures ; ils vivent exclusivement du produit de leur chasse et de leurs rapines.

Je ferai observer qu’ici le préfixe Ba remplace le Voua des peuplades de la côte, et que l’on dit : Bafipa, Batouta, au lieu de Vouafipa, de Vouatouta.

C’est à Mikisanngé que, pour la première fois, je vis une potière à l’œuvre ; son travail m’intéressa vivement. Elle commença par battre avec un pilon, tel que celui dont on se sert pour concasser le grain, assez de terre et d’eau pour fabriquer son vase, et gâcha sa pâte jusqu’à ce que la masse en fût parfaitement homogène. Quand ce résultat fut obtenu, elle posa le bloc d’argile sur une pierre plate, en creusa le centre d’un coup de poing et modela sa terre. Le vase ébauché, elle effaça la marque de ses doigts à l’aide d’une rafle d’épi, acheva de polir avec de petits morceaux de bois et des fragments de calebasse, qui donnèrent les courbes voulues, puis décora l’extérieur avec la pointe d’une baguette finement taillée.

Je me demandais comment ferait l’ouvrière pour enlever son pot de la pierre où il se trouvait et pour y mettre un fond. Elle avait déjà porté à l’ombre la pierre et le vase ; et quatre ou cinq heures après, celui-ci étant assez ferme pour être manié avec soin, le fond y fut placé intérieurement.

À compter du moment où l’argile avait commencé à être battue, jusqu’à celui où le vase — un pot d’une contenance de trois gallons, près de quatorze litres — avait été mis à l’ombre pour sécher, la fabrication avait pris trente-cinq minutes ; il en avait fallu dix autres pour ajouter le fond : trois quarts d’heure en tout.

D’une régularité parfaite, ces vases ont toujours des lignes très gracieuses ; beaucoup d’entre eux sont pareils à l’amphore de la villa Diomède à Pompéi.

Le 15 avril, après avoir passé l’embouchure du Manndiouli, celle du Monomisa, puis les villages de Kassanngalohoua et de Mammbéna, nous commençâmes à perdre de vue les rochers de