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suffisante, pas même Makoukira. La même déception nous attendait dans une bourgade des bords du Kissangé, près de laquelle nous nous arrêtâmes ; les denrées y étaient rares et s’y vendaient fort cher.

À l’époque du dernier passage de Livingstone, quinze ou seize mois avant notre arrivée, le grain et les légumes abondaient, les chèvres étaient nombreuses ; mais depuis lors sont venues des bandes de Vouanyamouési et d’autres gens, qui ont pris non seulement les chèvres, mais ceux qui les élevaient et cultivaient le sol.

La traite de l’homme s’étend dans l’intérieur ; elle continuera ses ravages jusqu’à ce qu’elle soit arrêtée par une main puissante, ou jusqu’à ce qu’elle s’éteigne faute d’aliment. La dépopulation est rapide ; il y a quelques années à peine que les Arabes ont pénétré dans le Manyéma, et déjà ils sont établis à Nyanngoué, d’où leurs bandes vont chasser l’esclave beaucoup plus loin.

Le chef du pays où nous étions alors demeurait à quatre journées de marche dans l’intérieur des terres ; mais le village de Mikisanngé avait un chef appelé Mpara Gouina, auquel j’allai faire une visite. C’était un vieillard à cheveux tout à fait blancs, et dont les fonctions paraissaient peu rémunératrices, car il était bien le plus mal drapé du pays. Toutefois son front et ses cheveux étaient poudrés de rouge, de jaune et de blanc avec le pollen des fleurs ; il avait en outre sur le front un bandeau de perles, et, sur les tempes, les cicatrices en relief qui sont les marques de sa tribu.

Je le trouvai avec un de ses amis ; l’un et l’autre filaient du colon, pendant que leurs femmes et leurs filles, assises près d’eux, enlevaient les graines des capsules nouvellement récoltées. Le duvet était mis en tas à côté des fileurs, qui les employaient activement au moyen de fuseaux de bois d’environ quatorze pouces de longueur et d’un demi-pouce de diamètre. Un morceau de bois courbe, placé un peu au-dessous de l’extrémité supérieure, donne du poids à l’instrument, qui est surmonté d’un petit crochet en fil de fer.

Le colon est d’abord filé grossièrement entre le pouce et l’index sur une longueur d’un demi-mètre, puis accroché au fuseau, qu’on roule vivement sur la cuisse droite, pour lui imprimer un mouvement de rotation rapide. Tenu de la main gauche, le fil est travaillé de la main droite, qui le régularise ; puis on le décroche