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jupe à une ceinture formée d’une corde de la grosseur du petit doigt et soigneusement recouverte de fil de laiton.

Parfois leur chevelure est enduite d’une pommade faite avec de l’ocre rouge et de l’huile, ce qui leur donne l’air d’avoir trempé leur tête dans le sang.


De Kitata, nous allâmes nous établir à Makoukira, grand village avec estacade, fossé et contrescarpe, situé sur la rivière du même nom, et dont le chef avait un costume compliqué : d’abord un tatouage au noir de fumée, et deux plaques du même noir, une sur le front, l’autre sur la poitrine ; puis une couche de graisse des pieds à la tête ; pour coiffure, une tiare composée de griffes de léopard. Quelques anneaux d’herbe jaune au-dessus du genou, un rang de sofis autour de la cheville, à la main un chasse-mouches, dont la poignée était couverte de perles, complétaient la toilette. Dehors, une grande canne à pomme volumineuse fait partie des atours ; elle est également à l’usage des épouses du prince.

Lorsque je fis ma visite à ce chef élégant, ses femmes lui préparaient du pommbé. L’une d’elles, qui était fort jolie, mit de cette bière dans une calebasse, y ajouta de l’eau chaude, alla s’asseoir sur un tabouret, posa la calebasse sur ses genoux, et l’y maintint pendant que le maître en aspirait le contenu au moyen d’un roseau. Je trouvai en rentrant une grande gourde de cette boisson que m’avait envoyée le chef ; mais j’étais trop malade pour y faire honneur.

Dans cette région, les enfants sont allaités jusqu’à l’âge de deux ou trois ans ; j’en ai vu un qui appliquait alternativement ses lèvres au sein maternel et au roseau de la calebasse ; de telle sorte qu’on pouvait dire à la lettre qu’il suçait le goût du pommbé avec le lait de sa mère.

Les petites filles se font une poupée d’une calebasse ornée de perles, et se la mettent sur le dos, où elles la suspendent de la même manière que les enfants sont portés dans le pays.

De Makoukira, nous nous rendîmes à Kirammba sur le Mivito, village où il se fait beaucoup de cotonnade. Près du tiers de la population a pour vêtement le tissu du pays, grosse toile à carreaux, bordée de raies noires et qui a toujours une frange.

Apercevant la terre en face de nous, j’espérais qu’un jour de rame nous suffirait pour gagner le fond du lac ; mais il fallait se procurer des vivres. Les petits villages que nous avions rencontrés récemment n’avaient pas pu nous en fournir en quantité