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nous nous arrêtâmes. Les habitants nous donnèrent du poisson en échange d’huile de palme, qu’ils aiment beaucoup.

Cette île, dont le sol est fécond, a une population nombreuse ; elle est bien cultivée, et l’éparpillement de ses cases, bâties au milieu des champs qui en dépendent, chacune à l’ombre d’un figuier-sycomore ou de quelque autre géant de la forêt, donne à la scène un caractère paisible que nous n’avions pas rencontré depuis notre départ de l’Oudjidji.

En face de Kabogo était la résidence du chef. Les montagnes s’abaissaient, elles s’éloignaient du lac, et sur le rivage, ainsi que dans l’île, abondaient les palmyras (borassus flabelliformis).

Il y avait là beaucoup d’oiseaux de mainte espèce ; entre autres un élégant coureur à manteau brun, à tête et à cou blancs, qui se promenait sur les feuilles de nénuphar et cherchait des insectes parmi les fleurs.

Le détroit qui sépare l’île de la côte a un mille et demi de large au centre et deux milles de long. À son extrémité, une pointe sableuse joint presque l’île au rivage. C’était au milieu de cette chaussée, parmi les roseaux, que se trouvait le débarcadère. Le chef se nommait Ponnda, sa résidence s’appelait Karyânn Gouina.

Fils du grand chef de l’Oukahouenndi, Ponnda s’était vu disputer par son frère l’héritage paternel. Se trouvant le plus faible il avait abandonné la partie, puis était venu fonder ce village, qui était grand et défendu par une forte enceinte de fossés et de palissades.

L’entrée en était généralement interdite aux étrangers. Des Vouanyamouési, chargés par Mkasihouah, chef de l’Ounyanyemmbé, d’y conduire un troupeau de vaches qu’il envoyait à sa fille, épouse de Ponnda, durent eux-mêmes camper extramuros. Il est vrai que le présent qu’ils devaient remettre au chef leur avait été volé en route par des Vouarori et qu’ils arrivaient les mains vides.

Plus heureux, j’obtins la permission de franchir l’enceinte. Je trouvai un village bien tenu, divisé en plusieurs quartiers par des palissades rayonnant d’une place centrale. De chaque côté de la porte menant à la demeure du chef, étaient deux pièces de bois servant de siège aux personnes qui attendaient leur tour d’audience. Ces divans rustiques étaient surmontés d’une quarantaine de crânes humains et de cinq ou six de bêtes sauvages.

Sur la place, une foule nombreuse regardait deux horribles