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Sur ces entrefaites, j’appris par hasard que la femme de l’un des propriétaires de bateaux dont m’avait parlé Ibn Sélim était à Kahouélé. Je lui fis aussitôt ma demande ; elle y répondit par l’envoi immédiat d’un canot en bonne condition, mais n’ayant pas de voile. Je l’acceptai comme tender de ma barque que j’appelais Betsy ; et je lui donnai le nom de Pickle.

Ma première course fut pour me rendre à Banngoué, un îlot qui est le point le plus septentrional qu’on aperçoive de Kahouélé, sur la rive orientale, bien que par l’inclinaison du lac il soit au nord-ouest trois quarts ouest de la ville. J’y fis de nombreux relèvements qui, avec des calculs soigneusement faits de la distance à un autre lieu d’observation, calculs pris à Kahouélé, devaient me fournir une base certaine pour dresser la carte du Tanganyika.

Restait à me procurer des hommes qui pussent me servir d’interprètes, me dire les noms des différents points du rivage et m’indiquer les lieux de repos nocturne.

On m’en présenta deux qui avaient accompagné Livingstone et Stanley, dans leur excursion au nord du lac. Le prix de leur engagement fut débattu par le moutoualé et son conseil, qui demandèrent, pour la commission, plus que ne devaient recevoir les deux hommes. Je donnai ce qu’on me demandait ; ce fut une affaire conclue. Mais le lendemain j’eus un accès de fièvre qui dura deux ou trois jours ; mes interprètes pensèrent que je n’avais pas de chance, que le voyage pourrait bien être mauvais, et ils refusèrent de m’accompagner.

On me renvoya l’argent qu’ils avaient touché, ainsi que les honoraires des anciens. Trois jours après, le conseil me fournit deux autres individus très convenables : Parla et Régoué ; celui-ci était le principal des deux, mais non le meilleur. Les anciens me procuraient ces gens au prix de dix-sept dollars par tête, pour les deux mois du voyage, et demandèrent trente-quatre dollars de commission, qu’il fallut leur donner.

C’était payer un peu cher les services de deux hommes tout nus, pour une couple de mois ; mais dans les pays non civilisés, toute chose est fort coûteuse pour le voyageur, alors même qu’il n’en est pas ainsi pour le colon.

Pendant toute la durée de mon séjour, les traitants furent pour moi d’une extrême politesse ; ils m’envoyèrent fréquemment de très bonne cuisine, et Mohammed Ibn Sélib me donna