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Près du bivouac, je vis plusieurs muscadiers et ramassai de très bonnes muscades. Le pays environnant était fort accidenté : beaucoup de petits ruisseaux, de petites rivières, et des fourrés de bambous.

Le lendemain matin, je me rendis à Niammtaga, village important et palissadé de l’Oukarannga, ayant à sa porte de nombreux crânes humains, plantés chacun au bout d’une perche. Des champs soigneusement enclos entouraient ce village, dont les habitants nous refusèrent l’entrée. Nous allâmes bivouaquer dans les bambous, qui nous fournirent d’excellents matériaux pour la construction des huttes.

Quelque désireux que je fusse d’atteindre l’Oudjidji, maintenant si voisin, il me fut impossible de faire partir ma bande. J’essayai de tous les moyens, j’abattis même les cabanes, mais inutilement ; Bombay et les askaris ne furent pas moins rebelles que les autres.

Néanmoins, le 18 février, seize ans et cinq jours après Burton, je reposais mes yeux sur le Tanganyika.

Tout d’abord, je ne voulus pas y croire : au bas d’une pente rapide se voyait un espace brillant et azuré d’une longueur d’un mille ; puis des arbres, et, au delà, une vaste étendue grise, ayant l’aspect d’un ciel couvert de nuages.

« Cela le Tanganyika ! dis-je avec mépris, en regardant la petite nappe bleue qui se trouvait à mes pieds.

— C’est bien lui, » répétèrent mes hommes.

Je compris alors que l’immense étendue grise était le lac. Ce que j’avais pris pour des nuages, c’était la chaîne lointaine de l’Ougoma ; et le petit coin d’azur, une baie éclairée par un rayon de soleil.

Descendant la pente en courant, traversant une plaine que drapait un fourré de bambous et de roseaux, déchiré par des pistes d’hippopotames, nous atteignîmes le rivage, où nous attendaient deux grandes pirogues, envoyées par les Arabes ; elles furent promptement remplies d’hommes et de ballots. Une heure après, nous arrivions à Kahouélé, où j’étais chaleureusement accueilli par tous les traitants, venus à notre rencontre.

En attendant que la demeure qu’ils avaient mise à ma disposition fût prête à me recevoir, les Arabes me conduisirent sous la véranda de Mohammed Ibn Sélib. Chacun d’eux était pressé d’avoir des nouvelles de la côte, ainsi que de l’Ounyanyemmbé,