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À l’heure dite, j’étais au bord de la rivière : une eau brune et tourbillonnante de trente mètres de large, ayant un courant de quatre à cinq nœuds à l’heure.

Rien en vue. Faisant appel à ma patience, déjà si éprouvée, je m’assis sur la berge. Une tête et des épaules glissèrent enfin au-dessus des herbes ; puis une autre, puis une autre. Les canots arrivaient, six en tout : quatre pirogues (dix-huit pieds de long sur deux de large) et deux bateaux d’écorce, un peu plus longs et plus étroits que les pirogues, bateaux d’une seule pièce, fermés aux deux extrémités par une couture. Chacune de ces embarcations était manœuvrée par deux hommes ; l’un des deux était accroupi et se servait d’une pagaie ; l’autre était debout et employait la perche.

Quand tous mes gens furent déposés sur l’autre rive, les canotiers refusèrent de remorquer les ânes avant que le féticheur eût donné le talisman nécessaire au salut de mes bêtes. Nouvel impôt ; mais le refus n’était guère possible, Bombay affirmant que c’était pour avoir négligé cette précaution que Stanley avait perdu un de ses baudets, en traversant la même rivière.

Tout cela fut tellement long qu’il fallut s’arrêter à Mpéta, résidence d’un autre chef du bac, qui rançonnait les voyageurs venant de l’Oudjidji, comme les arrivants de l’Ounyanyemmbé l’étaient par son confrère.

Ce moutoualé, encore enfant, était malade et ne put venir me voir, ce qui me dispensa de lui faire un cadeau.

À Mpéta, je fis des relèvements pour établir ma latitude, qui ne s’éloigne que d’une quinzaine de secondes de celle du capitaine Speke. Il est possible que notre position n’ait pas été absolument pareille, d’où viendrait la différence ; c’est pourquoi, dans la pratique, on peut regarder nos calculs comme ayant donné le même résultat.

Remis en marche, nous traversâmes une contrée plate, juste en amont de beaucoup de vallées et de ravins courant vers le Malagaradzi, qui passait à peu de distance, du côté du sud, et beaucoup plus bas que nous, en raison de la descente rapide de son lit. Plus loin, en dehors de la vallée du fleuve, se dressaient de hautes collines rocheuses, pareilles à celles que nous avions franchies sur l’autre rive.

Nous passâmes toute la journée du lendemain à Itaga, et par un double motif : la nécessité d’acheter des vivres, et l’état de