Page:Cameron - A travers l'Afrique, 1881.pdf/180

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ma pauvre jambe ne me permettait pas de courir après mes hommes, de les rassembler, de les faire partir ; et nous restâmes, bien que je n’aie jamais pu comprendre l’avantage qu’il y avait à perdre un jour pour économiser un quart de la dépense quotidienne.

Le chef, un petit garçon de huit ou neuf ans, me fut amené par le ministre. Il avait une peur effroyable de l’homme blanc ; ma vue le fit pleurer à chaudes larmes. Mais je l’eus bientôt calmé ; je lui montrai les images de l’histoire naturelle de Dallas, qui l’amusèrent beaucoup ; et il s’en alla enchanté de sa visite, emportant quelques pages des Illustrated London News, qui avaient empaqueté un objet quelconque, et dont il était ravi.

Partis le 5 février pour Ougaga, nous y arrivâmes par un chemin qui nous fit traverser une jungle, ranger de nombreux villages entourés de cultures, puis descendre obliquement la tranche d’une falaise qui sépare les hautes terres de la plaine du Malagaradzi.

Bien loin s’étendait la plaine verte, longuement et largement. À l’horizon, du côté du nord, étaient les collines bleuissantes de l’Ouhha, tandis qu’au pied même de la falaise se trouvait Ougaga, où nous nous arrêtâmes.

Je croyais être affranchi de tout droit par le mhonngo payé à Itammbara, ainsi qu’on me l’avait assuré ; mais il n’en était rien. Je n’avais, paraissait-il, acheté que la permission de passer la rivière, et je devais payer le moutoualé, maître du bac, payer le chef des bateliers, payer différents fonctionnaires, payer pour la corde, sinon pas un canot ne serait mis à mon service.

Le moutoualé, un beau jeune homme de vingt-cinq ans, fut très courtois, mais ne voulut pas parler d’affaires le jour de mon arrivée, et se montra d’une fermeté polie sur la question du mhonngo, dont on m’avait posé le chiffre, qu’il ne voulait pas discuter.

Quand il vint me faire sa visite, j’étais sur mon lit, attendant mon bain, et j’avais les pieds nus. Je lui montrai mes armes, mes livres et autres curiosités, qu’il semblait regarder avec intérêt ; tout à coup il me prit les orteils et, après les avoir examinés avec le plus grand soin, il dit que mes pieds étaient beaucoup trop blancs et trop mous pour la marche. Son attention se porta ensuite sur mes mains, que l’on ne pouvait certes pas