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station, qui était la capitale de l’Ouvinnza, et les denrées étant communes sur la route, à ce que me disaient ces guides, je partis le lendemain matin de bonne heure.

Ma jambe allait de mal en pis et, le pauvre Jasmin étant d’une extrême faiblesse, par suite du manque de nourriture convenable, je suspendis ma chaise de fer à une perche et me fis porter par deux soldats.

Ce prompt départ, joint à la remontrance que j’avais adressée au chef, produisit un certain effet : à peine étions-nous en route, que l’un des fils de Mânn Komo nous rejoignit, et me promit au nom de son père que, si je voulais revenir, je recevrais une chèvre, du grain et du pommbé. Mais je refusai de rebrousser chemin.

Le sentier qui se déroulait à plat, entre la rivière et le pied de la colline, tourna celle-ci, et nous mit en face d’un autre escarpement si abrupt que, pour me monter, le port de ma chaise n’étant pas possible, il fallut me traîner par les bras.

Nous avions pris cette pente si raide comme étant le seul point accessible de la chaîne, sur la route que nous suivions ; et, en maint endroit, la muraille était si près de la verticale, que les énormes pierres qui se détachaient sous nos pieds tombaient à plomb sur les branches des arbres sortis des crevasses du roc, et ne touchaient la terre qu’en arrivant en bas.

Du sommet de la côte, le regard embrassait une immense étendue de prairies, de bois, de vallées, entourés de montagnes de toute grandeur, offrant toutes les variétés de lignes, et dont les plus lointaines, à ce qu’il me fut dit, bordaient le Tanganyika.

Une pluie aveuglante, qui nous mouilla jusqu’à la moelle et trempa les bagages, couvrit toutes les pentes de ruisseaux, à notre grand déconfort. Ce fut donc avec joie que, dans l’après-midi, nous rencontrâmes un petit groupe de cases ayant une douzaine d’habitants.

Il n’y avait pas là de ravitaillement possible ; au lieu de partir dès que la pluie cessa, mes gens organisèrent une maraude qui dura trois jours et n’eut aucun succès.

La douleur que je ressentais dans ma jambe, et les averses qui nous tenaient continuellement dans l’eau, m’avaient tellement affaibli que je n’éprouvais pas le besoin de manger. C’était bien heureux, car, excepté le plum-pouding que je réservais pour la