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mettre en chasse. Peu de temps après, les fuyards étaient de retour, mais non les sportsmen, et il fallut dresser le camp.

Ce ne fut que dans la soirée que mes chasseurs reparurent. Ils n’avaient pas rejoint les buffles, mais Asmani avait tué un élan et un rhinocéros. Personne ne voulut partir avant qu’on eût dépecé les bêtes, transporté la viande au bivouac ; toute la journée suivante y fut employée.

Pour ajouter à l’ennui de ce nouveau délai, nous perdîmes la route le lendemain, presque au sortir du camp. J’étais boiteux, par suite d’une plaie à la jambe, provenant, je suppose, d’une morsure de scolopendre, qui, la veille, m’avait déjà empêché de prendre part à la chasse. Cette plaie, devenue très douloureuse, ne me permettait pas de me mettre à la tête de la caravane et de la guider au moyen de la boussole. La route ne fut pas retrouvée, et, pendant trois jours, nous errâmes à l’aventure, suivant une piste, la voyant finir au bout d’une demi-heure, rebroussant chemin, et tournant dans le même cercle. Les hommes que j’envoyais à la découverte ne rencontraient, disaient-ils, dans la direction que je voulais prendre, que des marais infranchissables.

Nous nous traînions ainsi dans la jungle, ne sachant pas si le lendemain nous serions plus heureux, trouvant des cours d’eau parfois si profonds qu’il fallait se servir du bateau de caoutchouc, et remorquer les ânes jusqu’au moment où l’un de ceux qui attendaient sur la berge, plus hardi que ses camarades, sautait dans la rivière et la passait à la nage, suivi de tous les autres.

Le soir du troisième jour, le camp venait d’être achevé, lorsque des coups de feu se succédèrent dans plusieurs directions. Je sortis de ma tente et vis un homme qui, les cheveux hérissés autant que le permettait leur nature laineuse, me cria d’une voix étranglée par la peur : « Maître, maître ! les rougas-rougas, prenez votre fusil. »

Je n’avais plus que vingt hommes ; les autres, n’écoutant que leur première impulsion, ce qu’ils faisaient toujours, avaient pris la fuite. Où était l’ennemi ? Personne ne pouvait le dire.

À la fin, je découvris qu’un de mes gens, qui battait le fourré dans l’espoir d’y trouver un chemin, ayant aperçu un vieillard, avait déchargé son fusil à diverses reprises pour nous annoncer qu’un village était proche. Ma bande, qui ne rêvait que d’esclaves