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Trois milles en descendant toujours, et un demi-mille à travers un marais, fut tout ce que la pluie nous permit de faire. Ce fut, après cela, une chute d’eau venant à nous, muraille liquide et mouvante, qui produisait le bruit d’une cataracte ; nous eûmes beaucoup de peine à rassembler les hommes, à réunir les ânes et à leur faire gagner un endroit relativement sec. Les tentes heureusement furent dressées avec promptitude, et les bagages mis à l’abri avant d’avoir souffert. Je fus moi-même préservé par l’excellent waterproof que m’avait donné Murphy ; mais tous mes hommes qui, en face de l’averse, s’étaient mis en costume d’Adam, aux premiers jours de l’Éden, furent mouillés jusqu’aux os.

Quand la pluie eut cessé, quelques-uns de mes pagazis prirent un nid d’abeilles qu’ils avaient découvert dans un arbre dont les branches s’avançaient au-dessus du bivouac. Je suivis l’opération avec un vif intérêt ; je ne pouvais pas croire qu’il fût possible à des hommes nus d’élargir à coups de hache le trou qui renfermait cette ruche, haut placée dans l’arbre, et que défendait une légion d’abeilles furieuses. Cependant ils ne s’arrêtaient que de temps à autre, pour chasser les essaims qui se formaient sur leurs visages, ou pour arracher un aiguillon. Leur peau devait avoir quelque chose de celle de l’indicateur, qui est impénétrable au dard des abeilles. Dans tous les cas, ils ne furent nullement récompensés de la peine qu’ils avaient prise : l’arbre ne renfermait que des rayons délabrés, et totalement dépourvus de miel.

Remis en marche, nous traversâmes une haute futaie n’ayant pas de sous-bois, et dans laquelle je tuai une grande antilope. Vint ensuite un profond ravin, où de nombreux ruisseaux bouillonnaient le long de ses flancs rocheux, les uns cachés sous des broussailles, les autres formant des cascatelles. L’extrémité méridionale de la crevasse fut doublée, et nous gagnâmes le Mtammbo. Cette rivière, qui occupe le fond d’une vallée rocailleuse, avait alors deux ou trois pieds de profondeur et n’était là qu’une série de rapides. Son lit était si plein de rochers que nous le traversâmes facilement au moyen de ces marches ; toute la difficulté fut d’amener les ânes sur l’autre bord.

Le lendemain, il y avait à peine deux heures que nous étions en route, lorsqu’on aperçut des buffles. Aussitôt mes gens de déposer leurs charges, les uns pour s’enfuir, les autres pour se