Page:Cameron - A travers l'Afrique, 1881.pdf/170

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cimés par la traite de l’homme et par les guerres intestines. Qu’on laisse se prolonger cet état de choses, et tout ce pays retombé dans la solitude, repris par le hallier, redeviendra impraticable au commerçant et au voyageur.

La seule possibilité d’un pareil événement est une souillure pour notre civilisation trop vantée. Si l’Angleterre, avec ses usines qui chôment la moitié du temps, négligeait de s’ouvrir un marché pouvant donner de l’emploi à ses milliers d’hommes en détresse, ce serait inexplicable.

Espérons que la race anglo-saxonne ne permettra à aucune autre de la distancer dans les efforts qui doivent être faits pour racheter des millions de créatures humaines de la misère et de la dégradation où elles tomberaient infailliblement, si on n’allait pas à leur secours.

Tous les habitants du village de Liohoua se pressèrent pour nous regarder ; mais ils furent bien moins étonnés de ma vue que de celle de Léo ; et leur surprise grandit encore lorsque mes gens leur affirmèrent qu’à lui seul mon chien pouvait lutter contre deux lions.

Ces villageois, de race virile et guerrière, étaient de beaux hommes, bien armés de fusils et de lances dont les fers, d’une longueur de deux pieds, avaient au centre plus de quatre pouces de large.

Deux parures, qui jusque-là ne s’étaient vues qu’accidentellement, étaient communes chez eux. Le sammbo, formé de cercles très menus de poil d’éléphant, ou d’une ficelle de cuir, l’un ou l’autre entouré d’un fil métallique d’une extrême finesse, leur couvrait les jambes. Si grande était la masse de cette décoration, qu’elle donnait aux gens riches, seuls capables de se la procurer, l’air d’être affectés d’éléphantiasis. Je n’ai pas pu m’assurer du nombre exact de ces anneaux ; mais j’affirme, sans crainte d’erreur, qu’en portant leur chiffre à trois cents pour chaque jambe, chez certains individus, je reste au-dessous de la vérité.

L’autre ornement consistait en franges de poil de chèvre, qui se portent également à la jambe et qui l’entourent depuis le jarret jusqu’à la cheville. À ces franges, ainsi qu’au sammbo, sont souvent appendues de petites clochettes, ainsi que des lamelles de fer ou de cuivre, et l’heureux possesseur de ce supplément de parure ne manque pas de le faire valoir en frappant du pied,