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quefois il travaillait bien et me rendait réellement service ; mais il ne savait pas commander, il avait peur de ses hommes, et l’ivrognerie était son grand défaut.

L’expédition fut alors composée du susdit Bombay, chef de la troupe ; de Bilâl son lieutenant, d’Asmani, l’ancien guide de Stanley, et de Livingstone (il remplissait auprès de moi les mêmes fonctions) ; de Mabrouki, l’inséparable d’Asmani ; de Mohammed-Mélim, mon domestique, bon interprète et bon tailleur ; d’Hamis, porteur de mes armes, récemment engagé ; de Djacko, jeune garçon libéré par Ibn Sélim pour qu’il vînt avec nous, de Sammbo, mon cuisinier, qui n’avait d’autre droit à ce titre que d’avoir été marmiton à bord d’un navire anglais, bâtiment de commerce ; de Kommbo, son aide de cuisine ; enfin de soldats et de porteurs au nombre d’une centaine, chiffre que les désertions et les nouveaux engagements faisaient varier tous les jours.

La caravane de Livingstone se mit en marche le 9 novembre, accompagnée de Dillon et de Murphy. J’étais parti avant elle ; mais l’absence de beaucoup de mes porteurs, au moment du départ, m’avait contraint de laisser derrière moi un certain nombre de ballots, sous la garde de Bombay, et il fallut m’arrêter à peu de distance, dans un endroit appelé Mkouemmkoué.

La dernière soirée que nous avions passée à Kouiharah, Dillon et moi, avait été pour tous les deux un moment solennel. Nous avions parlé de notre pays, de nos foyers, de l’époque où nous nous reverrions en Angleterre ; mais je ne sais pas si réellement nous espérions nous revoir : de graves pressentiments devaient nous agiter.

Pour ma part, je voyais l’avenir très sombre ; la santé me manquait, et devant moi tout n’était qu’incertitude. Par suite d’une chute que j’avais faite sur une pointe de granit, où mon âne m’avait jeté violemment et où j’étais tombé sur les reins, chute qui m’avait alité pendant plusieurs jours, je pouvais à peine marcher ; j’étais presque aveugle ; la fièvre, qui persistait, m’avait réduit à l’état de squelette : je ne pesais plus que sept stones et quatre livres (cinquante et un kilos), et la probabilité de revoir l’Angleterre me paraissait beaucoup plus grande pour Dillon que pour moi.

Mais quelle que fût l’angoisse de la séparation, ni l’un ni l’autre n’exprima ses craintes : « Je me fiais à la bonté divine ; elle me donnerait la force d’achever mon entreprise ; jamais je