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semaine ou deux, il aurait probablement guéri ; c’était l’avis de Dillon, à qui cette pensée était venue en lisant les dernières pages de son journal.

Il ne n’appartient pas de parler ici de Livingstone, de sa vie et de sa mort. L’appréciation de tout un peuple, bien plus, celle du monde civilisé tout entier, apprendra aux générations à venir qu’il fut un héros. Jamais ce titre n’a été conquis par plus de persévérance, de désintéressement, de véritable courage que n’en montra David Livingstone.

Maintenant que celui qui devait nous guider avait cessé de vivre, quel parti allions-nous prendre ?

Murphy pensa que l’expédition n’avait plus de raison d’être, et annonça qu’il retournait à Zanzibar. Mais il fut décidé, entre Dillon et moi, que nous irions chercher la caisse de Livingstone, qu’après l’avoir expédiée par quelqu’un digne de confiance, nous pousserions jusqu’au Manyéma, et que nous ferions tous nos efforts pour continuer les explorations du docteur.

Cette décision nous fit redoubler de zèle, et équiper en toute hâte Souzi et ses compagnons pour leur retour à la côte. Malheureusement, nous n’étions pas destinés à faire route ensemble. Quelques jours avant l’époque fixée pour notre départ, Dillon fut attaqué d’une inflammation d’entrailles, et, bien à contre-cœur, il se vit obligé de reprendre le chemin de Bagamoyo.

Renonçant alors à ses projets de retour, Murphy me proposa de m’accompagner ; mais les difficultés du portage, et ma conviction que le seul moyen de réussir était de restreindre la caravane le plus possible, me firent refuser cette offre généreuse.

Il fallut également me séparer d’Issa. Bombay et lui étaient, toujours en querelle, au point qu’il devenait impossible de les garder tous les deux ; et apprenant que son frère, interprète à bord de l’un des croiseurs de la reine d’Angleterre, venait d’être tué à Quiloa, Issa voulut retourner à Zanzibar, où sa mère était seule. Je le regrettai vivement ; il était plein d’activité, avait beaucoup d’ordre, l’esprit méthodique, il tenait bien ses comptes, et avait pris sur mes gens une très grande influence.

Certes Bombay était fidèle et ferme dans son attachement ; il me rappelait ce vieux serviteur écossais qui, renvoyé par son maître, lui répondait : « Nenni, nenni ; je ne m’en vais pas, quand vous avez un bon domestique, si vous ne savez pas le reconnaître, moi je sais quand j’ai une bonne place. » Quel-