Page:Cameron - A travers l'Afrique, 1881.pdf/122

Cette page a été validée par deux contributeurs.

forme d’un grand U allongé. Les flancs de ce goulet sont percés de meurtrières, à l’usage des lances et des flèches ; et il serait dangereux pour l’ennemi de vouloir forcer le passage.

« D’autres portes (celles du mur extérieur des cases faisant partie de l’enceinte) ont pour fermeture des espèces de herses, solidement construites : de lourdes poutrelles ont, à leur extrémité supérieure, des trous dans lesquels est passé le linteau de la porte. Quand celle-ci est ouverte, les poutrelles sont relevées et tournées à l’opposé du chemin ; quand elle est close, la partie inférieure de la herse s’abute contre une pièce de bois transversale, solidement fixée, et contre laquelle elle est maintenue par un étai mobile placé intérieurement.

« Le chef, qui nous a paru d’une teinte moins foncée que la plupart de ses sujets, était en grande toilette ; je n’ai pas encore vu d’indigène aussi richement vêtu. Il portait un élégant diouli[1] indien et un sohari de Mascate[2]. Ses jambes étaient chargées de lourds anneaux de cuivre et de spirales de fil de laiton ; des bracelets d’ivoire ornaient ses bras et ses poignets ; et à son collier de poil d’éléphant, artistement entouré de fil métallique, pendait, en guise de médaillon, le fond d’un coquillage apporté de la côte et limé jusqu’à être parfaitement lisse et blanc. Ce dernier bijou s’appelle kionngoua ou vionngoua[3].

« Ici, le grain n’est pas cher ; nous l’avons payé une choukka les dix koubabas[4]. Les gens élèvent beaucoup de pigeons ; ils ont des moutons et des poules, mais en petit nombre.

« Des visiteurs se sont pressés toute la journée dans nos

  1. Le diouli, le lânghi des Hindous, est une étoffe de soie fabriquée à Surate. À Zanzibar, on lui ajoute une frange, souvent une bordure de fil d’or. Cette soierie est à fond rouge, vert ou jaune, avec des raies de couleurs diverses. La moins chère se vend sept dollars le coupon de trois yards et demi (trois mètres vingt-six), sans la frange, qui est de deux dollars. La plus précieuse, celle qui est décorée de fil d’or, monte à quatre-vingts dollars. (Note du traducteur.)
  2. Le sohari est une étoffe à carreaux bleus et blancs, avec une bordure rouge et de petites raies bleues, rouges et jaunes. À chacun de ses bouts, la pièce a des carreaux plus grands, où du rouge est mêlé. Moins cher que le diouli, le sohari se vend encore jusqu’à trente dollars les vingt choukkas, c’est-à-dire les vingt brasses. (Note du traducteur.)
  3. Le coquillage qui fournit la matière de ce bijou est un cône de la mer des Indes ; on verra plus loin quelle en est la valeur au centre de l’Afrique et dans les provinces qui se rapprochent de la côte orientale. (Note du traducteur.)
  4. La koubaba, unité de mesure employée à Zanzibar, pèse d’une livre et quart à une livre et demie. Toutefois rien de plus arbitraire ; elle se divise en grande et petite koubaba, et généralement est représentée par une gourde, dont la capacité est loin d’être fixe. (Note du traducteur.)