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Tout à coup on entendit crier qu’un serpent était dans le bivouac. L’excitation fut extrême ; chacun tomba à coups de bâton sur le reptile, et quand j’arrivai, l’écrasement était si complet qu’il ne fut pas possible de découvrir si l’animal était d’espèce dangereuse où non.

D’après nos hommes, la morsure de ce serpent était mortelle ; mais l’idée que tout reptile est venimeux prévaut ici, comme parmi les Européens de classe ignorante, et, à cet égard, l’assertion de nos hommes n’est d’aucune valeur.

Kipéreh, l’endroit que nous aurions voulu atteindre pour jouir de son eau limpide, fut gagné le lendemain, après deux heures de marche. Là, une dispute s’éleva entre nous et nos gens. Il était encore de bonne heure ; les naturels nous assuraient qu’il y avait de l’eau à peu de distance, et nous voulions continuer la route. Le Kiranngosi affirmait, au contraire, que nous ne trouverions pas d’eau ce jour-là. Comme je le soupçonnais de paresse, et que les dispositions des indigènes ne me semblaient pas nous être favorables, je fis reprendre la marche ; mais au bout d’un mille nos gens arrêtèrent. Il fallut accorder la halte.

Je pensai que l’occasion était bonne pour appeler devant moi tous nos askaris, et pour les chapitrer sur leurs devoirs, dans l’espérance de les faire rentrer en eux-mêmes et se mieux comporter à l’avenir.

La halte devant être longue, j’allai avec mon chien faire un tour dans le voisinage. Des palissades bien construites et des trappes à gibier attirèrent mon attention. L’une de ces fosses, placée dans la brèche d’une palissade, était si habilement dissimulée, que bien que je fusse sur mes gardes, je ne vis là qu’un passage vers lequel j’allai tout droit. Par bonheur, au moment où j’arrivais à la brèche, Léo sauta devant moi et découvrit le piège en y tombant, me sauvant ainsi d’une très mauvaise chute. La fosse était si profonde que j’eus beaucoup de peine à en retirer mon pauvre chien ; et quand il fut dehors, je ne fus pas moins surpris que joyeux de le retrouver sain et sauf.

Remis en marche après la méridienne, nous traversâmes péniblement une alternance de jungle et de prairie, dont l’herbe avait été brûlée par places, et où le charbon en poudre et la cendre nous emplissaient la bouche, le nez, les oreilles, la gorge, rendant mille fois plus pénibles les tortures de la soif.