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estime qu’ils avaient pour nous : leur respect nous mettait au niveau de Saïd Burgash, leur propre sultan. C’est pourquoi ils insinuèrent que nous ne pouvions pas leur refuser le papier, la poudre, le fil, les aiguilles dont ils avaient besoin, et que, sans nul doute, ils pensaient nous avoir honnêtement payés avec leurs flatteries.

L’un de ces hommes nous dit qu’il était allé au Katannga, et que les Portugais avaient établi en cet endroit un commerce régulier d’ivoire, de sel et de cuivre.

Nous passâmes deux jours à Djihoué la Sinnga pour acheter du grain, qui, nous l’espérions, nous conduirait jusqu’à l’Ounyanyemmbé ; et dans cette halte, l’apparition de la nouvelle lune nous causa quelque ennui.

Pour célébrer cet événement selon la coutume mahométane, nos askaris commencèrent une fusillade qu’ils refusèrent de cesser quand on le leur commanda. L’un d’eux, auquel je m’étais personnellement adressé, déchargea son fusil malgré ma défense. Je le fis désarmer et lui annonçai qu’il serait puni le lendemain. Un autre me dit alors que je ferais mieux de les punir tous ; car c’était leur coutume de saluer la nouvelle lune, et qu’ils entendaient la suivre. Je le fis également désarmer.

Ce n’était pas seulement au point de vue de l’économie des munitions que je défendais cette fusillade : elle était fort dangereuse ; pas un des tireurs ne s’inquiétait de la direction du coup ; les fusils étaient déchargés à l’aventure, et les balles sifflaient d’un bout à l’autre du bivouac. J’étais donc bien décidé à mettre un terme à cette pratique pleine de péril.

Le 26 juillet, quand il fallut partir, il se trouva que les askaris que j’avais fait désarmer avaient pris la fuite ; quelques porteurs avaient également disparu. L’un de ceux-ci était d’une probité exceptionnelle ; car il avait eu la délicatesse de louer un homme pour le mettre à sa place.

Ce jour-là nous traversâmes deux petites rangées de collines rocheuses, ensuite une forêt, puis une jungle où s’élevaient beaucoup de palmiers (des borassus flabelliformis) ; et ne fut qu’au coucher du soleil que nous nous arrêtâmes : nous n’avions pas gagné l’eau.

Plusieurs antilopes, ainsi qu’un lémur, avaient été aperçus pendant la marche ; Issa et Bombay avaient vu passer douze éléphants.