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acheter de la poudre destinée à servir contre Mirammbo. Quelques-unes des dents de la cargaison étaient si grosses, qu’il fallait deux pagazis pour chacune d’elles. On se figurera leur pesanteur en se disant que la charge d’ivoire d’un Mnyamouési est de cent vingt livres.

Ceux qui portent ces poids énormes se contentent du salaire des autres ; mais ils requièrent double et triple ration, et ils obligent le chef de la caravane à s’arrêter quand ils le demandent.

Parmi les voyageurs qui s’étaient mis à la remorque des gens d’Ibn Sélim, était Abdoul Kader, le tailleur hindou qui avait accompagné Stanley. Il se rendait à la côte avec l’espoir de retourner dans son pays. Depuis qu’il avait quitté son maître, il avait toujours été malade, disait-il, et avait bien juste assez de force pour marcher. Sans les Arabes qui l’avaient assisté pendant tout le temps de sa maladie, il serait mort de faim ; et comme il ne pouvait pas travailler, qu’il était dans la misère et sujet de la Grande-Bretagne ; je lui donnai quatre dotis (huit brasses d’étoffe), pour l’aider dans son voyage.

Nous apprîmes, par les indigènes, que les Vouanyamouési qui nous avaient quittés à Mvoumé, et qui, après avoir été sous notre protection, avaient donné leur concours à nos déserteurs, répandaient le bruit que nous les avions volés et cherchaient à soulever le pays contre nous, prouvant ainsi pour la seconde fois qu’ils n’avaient aucun soupçon de la gratitude. Plus tard, un de leurs chefs n’en eut pas moins l’audace de se présenter dans notre maison, et de demander un cadeau sous prétexte que nous étions d’anciennes connaissances.

Tout d’abord les Vouagogo n’avaient pas une très haute opinion de nos armes. « Vous vous fiez, disaient-ils à des fusils qui, une fois déchargés, ne servent plus à rien ; les gens qui ont des lances peuvent alors vous anéantir. » Mais quand ils furent initiés au mystère des fusils se chargeant par la culasse, et des baïonnettes fixées au bout des sniders, ils baissèrent de ton et reconnurent qu’il serait dangereux de nous attaquer, à moins d’être en nombre considérable.

Nous profitâmes de la caravane d’Ibn Sélim pour expédier nos lettres ; puis, ayant acquitté le mhonngo, nous nous dirigeâmes vers le Mgounda Mkali ; c’était le 18 juillet. La traversée de l’Ougogo, seulement pour le tribut, nous avait coûté soixante-dix-