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fièvre. Quant à Dillon, il ne s’était jamais mieux porté, et se sentait de force, disait-il, à continuer cette vie sauvage jusqu’à la fin du monde.

Ayant payé le tribut, nous nous remîmes en marche ; et traversant une jungle, nous arrivâmes à l’établissement de Khoko, dont le chef, appelé Mignou-Méfoupi ou Courtes-Jambes, avait la réputation d’être le plus mauvais des tyrans de la contrée. Toutefois le tyran se faisait vieux et n’avait plus la force d’imposer ses exigences ; d’où il résulta que le mhonngo fut réglé sans peine.

Khoko était l’endroit le plus populeux que nous eussions rencontré jusqu’alors. Il consistait principalement en une réunion de temmbés, demeures des indigènes ; mais il y avait, à l’un des bouts de l’établissement, beaucoup de maisons construites par des gens de Bagamoyo, qui avaient fait de cette place leur quartier général. Les grands toits de chaume de ces habitations, bâties comme celles de la côte, donnaient à l’établissement un air à demi civilisé.

Trois énormes figuiers sycomores, situés près du bourg, formaient un point de repère qu’on voyait de plusieurs milles à la ronde. Notre camp fut établi sous la puissante ramée de l’un de ces colosses ; plus de cinq cents hommes y furent largement abrités.

L’un des Vouamrima fixés dans le pays n’apporta une grande boîte à musique qu’il désirait me vendre : ce serait, disait-il, de l’argent bien placé. Mais après avoir joué quelques mesures d’une valse, sur le rythme d’une marche funèbre, la serinette fit entendre un couac et s’arrêta d’une manière définitive : l’axe du volant s’était brisé.

Pendant cette halte, j’eus l’occasion de recueillir quelques détails sur les funérailles des chefs ; voici les renseignements qui m’ont été donnés. On commence par laver le défunt ; je suis étonné de ce qu’une pratique aussi étrangère à ses habitudes ne le rappelle pas à la vie. Il est ensuite placé debout, dans le creux d’un arbre. Chaque jour, les habitants viennent devant cet arbre faire des lamentations, et répandre sur le trépassé de la bière et des cendres jusqu’au moment où le corps se décompose. Ils se livrent en même temps à une sorte d’orgie funéraire.

Le commencement de décomposition arrivé, on met le cadavre sur une plate-forme, où il subit les effets du soleil, de la rosée