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Par suite de la croissance anormale de ses ongles à la Nabuchodonosor, la main gauche du prince, réduite à l’inaction, était beaucoup moins grande que l’autre.

Après la visite de l’héritier présomptif, j’eus celle d’un petit Arabe de sept ans, dont le père était mort en se battant contre Mirammbo, et que sa mère envoyait à la côte pour y faire son éducation. Parfaitement élevé, ce petit gentleman se comporta à merveille. Je lui montrai les gravures d’un livre d’histoire naturelle ; il en fut ravi ; ce que voyant, j’exhibai de vieux journaux illustrés, qui fixèrent également son attention ; mais je sus plus tard qu’il avait beaucoup de chagrin à la pensée que des gens aussi bons que les Anglais perdaient leur âme, en faisant des images de l’homme.

Juste au moment où le petit gentleman sortait de ma tente, un bruit d’arme à feu retentit dans notre camp et me fit accourir. Un de mes pistolets Derringer, que mon serviteur Mohammed Mélim avait nettoyé, puis rechargé, et qu’il rapportait chez moi, avait blessé notre cuisinier à la tête.

Il paraît que Sammbo, qui était brave et qui aimait à se colleter, avait saisi Mélim au passage, et que dans la lutte le pistolet était parti. Sammbo avait été frappé à l’angle extérieur de l’œil ; mais il avait le crâne si épais, que la balle avait passé entre la boîte osseuse et le cuir chevelu, pour s’arrêter derrière la tête, d’où il fut aisé de l’extraire par une incision à la peau. La balle enlevée, il suffit d’un peu de diachylon pour remettre le blessé en bon état.

Avant de procéder à l’instruction de la cause, j’avais fait arrêter mon domestique ; mais d’impudents coquins vinrent demander qu’il fût mis aux fers, ajoutant qu’ils le tueraient, si je ne l’enchaînais pas sur l’heure. Tant d’impudence me révolta ; et puisqu’ils avaient un si grand désir de voir quelqu’un à la chaîne, je répondis à leur vœu en les y mettant eux-mêmes.

Cet incident nous prit encore un jour ; je voulais connaître le fond de l’affaire ; et jamais, je veux l’espérer, autant de mensonges et de faux témoignages ne se sont produits en aussi peu de temps. Le chef, ou plutôt ses conseillers, nous demandèrent quatre dotis d’amende pour le sang répandu sur leur territoire. J’inclinais à refuser ; mais bien qu’avec répugnance, je donnai l’étoffe, craignant des complications, et, par suite, de nouveaux retards.