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LOUIS PEREZ DE GALICE.

manuel.

De me précipiter dans ces abîmes.

juana.

Arrête !

manuel.

Lâche-moi, ou, par Dieu ! t’enserrant dans mes bras je me lance avec toi au fond de la vallée, où nous arriverons en lambeaux.


Entre DON ALONZO.
don alonzo.

Que se passe-t-il donc ?

manuel.

On emmène prisonnier Louis Perez. Dussé-je y périr, on verra aujourd’hui jusqu’où peut aller mon amitié.

don alonzo.

Suivons-le. Je suis venu ici en secret, et j’aurais voulu qu’on ignorât ma présence en ce lieu. Mais puisque les choses en sont venues à ce point, puisqu’un ami se trouve en un tel péril, je laisse là toutes ces considérations, et, comme vous, je suis prêt à mourir avec lui.

Ils sortent.

Scène V.

Une autre partie de la forêt.
Entrent PEDRO et DEUX AGUAZILS.
premier alguazil.

Entendez-vous ce bruit dans la montagne et dans la vallée ?

pedro.

Si vous voulez m’attendre ici un petit moment, j’irai, je m’informerai de tout, et je reviens aussitôt vous conter ce qui se passe.

deuxième alguazil.

Ne t’avise pas de bouger ; ou si tu fais un seul pas, deux balles t’empêcheront d’aller plus loin.

pedro.

Votre éloquence me persuade[1]. Eh bien, si vous ne voulez pas que j’aille savoir des nouvelles pour vous les redire, allez vous-mêmes les chercher, et vous me les rapporterez. Pour le coup, cela est facile.

premier alguazil.

Nous ne te quitterons pas une minute.

pedro.

Voilà ce qui s’appelle des gardes ! Il serait à souhaiter que l’on

  1. Dans l’espagnol, lorsque l’aguazil dit à Pedro, « deux balles t’empêcheront d’aller plus loin, » Pedro répond littéralement : Ce seraient d’admirables remords.

    Seran rémoras notables.

    Le rémora est, comme on sait, un petit poisson auquel les anciens attribuaient le pouvoir d’arrêter un vaisseau.