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LOUIS PEREZ DE GALICE.

louis.

Demeurons parmi ces rochers ; ils nous cacheront à tous les yeux.

manuel.

Il n’y a pas à délibérer davantage, et nous n’avons plus le choix. Voici qu’on arrive.

louis.

Âpres montagnes, soyez le tombeau d’un vivant ; mais soyez silencieuses et discrètes comme la tombe.

Ils se cachent et se couvrent de branchages.


Entrent DOÑA LÉONOR, JEAN-BAPTISTE et DES DOMESTIQUES.
jean-baptiste.

Ici, madame, au milieu de ces fleurs, et protégée par ces dômes de verdure couronnés de lauriers et de myrtes, vous pouvez braver la chaleur du soleil. Il n’osera vous poursuivre jusqu’ici ; car les précipices dont nous sommes entourés lui rappellent la chute de Phaéton.

léonor.

Quelle que soit la chaleur du jour, je ne puis m’arrêter ; la santé de l’amiral réclame mes soins. Cependant je vais ralentir ma marche un moment, et pendant ce temps-là, j’espère, ce nuage qui s’avance se sera interposé comme un voile épais entre nous et le soleil.


Entre le JUGE.
le juge.

En cherchant ces hommes, que le ciel même semble cacher, — car il m’est impossible de trouver le moindre vestige qui me les indique, — j’ai appris, belle Léonor, vos sujets d’inquiétude et votre départ ; et aucune occupation n’a pu m’empêcher de venir mettre à vos pieds l’assurance de mon dévouement.

louis.

Vous entendez, Manuel ?

manuel.

Parlez plus bas.

louis.

Étant résolu à infliger à ce traître un châtiment public, dites-moi, trouverai-je jamais une meilleure occasion, puisque dans celle-ci je rencontre à la fois la vengeance et la gloire en défendant mon honneur et celui de mon ami ? Puis-je espérer de trouver jamais de nouveau réunis le juge, la partie et le faux témoin ? Je me montre.

manuel.

Prenez garde !

louis.

J’y suis déterminé. Au péril de ma vie, je défends mon honneur.

manuel.

Eh bien ! puisque vous êtes résolu à ce point, je ne vous retiens plus. Mais un moment, voici du monde.