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LE SCHISME D’ANGLETERRE.

boleyn.

Accompagnez-la, et exécutez l’ordre du roi.

le capitaine.

Il sera fait comme vous l’avez dit.

Ils sortent.

Scène IV

Une autre salle du palais
Entre le ROI.
le roi.

Hélas ! raison, pourquoi me tourmenter ainsi ? — Illusion, pourquoi ces menaces ? — Crainte, pourquoi ces précautions ? — N’est-ce pas trop de tous ces ennemis réunis contre un seul homme ? — Secourez, Seigneur miséricordieux, l’homme le plus infortuné que les siècles aient jamais vu ? (Après un moment de silence.) Puisque le ciel m’inspire, je suivrai ses conseils, et sans doute ainsi je trouverai quelque soulagement à mes maux. — Vous me dites, ô mon Dieu, de rappeler Catherine : je vous obéirai. Oui, que l’on me ramène mon épouse, mon épouse légitime, que je supplierai de demander au ciel pardon pour moi. (Appelant.) Holà ! gardes !


Entrent L’INFANTE et MARGUERITE, vêtues de deuil.
l’infante.

Quand bien même je devrais y périr, je veux demander justice au roi mon père, (Au Roi.) Prosternée à vos pieds, invincible Henri, — non pas comme votre fille, mais comme la plus malheureuse des femmes, je vous demande justice.

le roi.

Pourquoi ces habits de deuil ? — Catherine serait-elle morte ?

l’infante.

Oui, ses chagrins l’ont tuée peu à peu. — Pour moi je viens, dussé-je encourir votre colère, je viens me réfugier à vos pieds. — Justice, sire, justice !

le roi.

Hélas ! son âme s’en est allée vers un monde meilleur… Ô ciel ! quelle faute j’ai commise ! Mais à quoi servent maintenant ces vains regrets et un tardif repentir ? le mal ne peut plus se réparer… J’ai nié le pouvoir du pape, et j’ai usurpé sur l’Église d’innombrables richesses… Comment les lui rendre ? si je reprends aux grands les biens que je leur ai donnés, et si je veux imposer des lois à ceux qui ont secoué le joug, n’ai-je pas à redouter une révolte ? Ô saint ange, qui après avoir traversé avec tant de résignation les épreuves de la vie, êtes maintenant assise sur le trône de lumière, prêtez-moi votre aide, protégez-moi, puisque je me repens… Mais, hélas ! il est trop tard ! Combien je suis coupable ! (Haut.) Infante Marie, non seule-