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LE SCHISME D’ANGLETERRE.

n’est point légitime, mon maître ne voudra pas sans doute épouser la princesse. — Retournons en Fiance ; laissons se terminer ce divorce, et puis, je reviendrai au plus tôt célébrer mon mariage.

Charles et Denis sortent.
la reine.

Marie ?

l’infante.

Madame !

la reine.

Embrassons-nous pour la dernière fois.

l’infante.

Hélas ! que puis-je vous dire au moment où je vous perds ? — Que mes larmes vous parlent pour moi.


Au moment où la Reine et l’Infante viennent de s’embrasser, WOLSEY entre, et il prend la main de l’Infante, pour la tirer à l’écart.
wolsey.

Madame, le roi vous attend.

la reine.

Quoi ! vous ne m’accordez pas un moment de répit ? — Vous ne craignez pas, tyran cruel, de détacher la vigne de l’ormeau ? — Adieu, ma fille.

l’infante.

Adieu, madame.

la reine.

Que le ciel pitoyable vous rende plus heureuse que ne l’a été votre mère. — Cardinal, au nom de Dieu, qui est le juge suprême, je vous en conjure, conseillez bien le roi.

wolsey.

Le roi est un prince éclairé ; il n’a nul besoin de mes conseils, et je n’ai que peu d’influence sur lui. — Pardonnez moi si je vous ôte ce dernier plaisir.

Il sort avec l’Infante.
la reine.

Oui, je vous le pardonne, bien que je voie avec douleur la brebis innocente au pouvoir du loup dévorant. — Seigneur de Boleyn, les cheveux blancs inspirent le respect à la jeunesse : montrez au roi toute sa faute.

boleyn.

Le roi est d’un caractère emporté ; et je n’oserais m’exposer à sa fureur. — Dieu vous console, madame ; mais je ne puis risquer ainsi ma vie.

Il sort.
la reine.

Anne, puisque la beauté a le privilège de toucher les cœurs les plus insensibles, allez au roi, parlez-lui avec bonté en ma faveur, portez-lui mes soupirs, dites-lui ma douleur et mes larmes. (Anne