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LE SCHISME D’ANGLETERRE.

fleurs charmantes qui, entrelacées, auraient le pouvoir de braver les autans jaloux, — et voulant d’ailleurs prévenir les dissensions qui menacent aujourd’hui tous les États chrétiens, vous demande en mariage pour le prince d’Orléans, son noble fils, l’illustre infante Marie. — Que votre majesté daigne s’entendre avec son parlement, pour opérer l’union des deux royaumes. Voilà, sire, mon ambassade.

le roi.

J’y réfléchirai à loisir.

charles.

Puisse le ciel, sire, vous accorder de longs jours ! puissiez-vous, comme l’oiseau tant vanté de l’Arabie, traverser, immortel, tous les âges !

la reine, au Roi.

Vous êtes triste, je vous suis. Mon âme ne veut pas s’éloigner de là où elle vit.

le roi, à part.

S’il en est ainsi, — ô fille divine ! il est certain que je vis sans mon âme, car tu la possèdes tout entière.

Ils sortent.

Scène II.

Une autre salle dans le palais.
Entre WOLSEY.
wolsey.

Rien maintenant ne succède selon mes souhaits. Mon sort a changé. Fortune, arrête, arrête encore un moment ta roue… Contre le droit des gens et l’usage des cours, je laissais l’ambassadeur sans réponse, afin de conserver l’amitié des deux rois. Tant que l’on n’aurait pas disposé de la main de l’infante, j’aurais entretenu l’espérance de Charles-Quint et de François… et tous deux auraient appuyé mes prétentions… et après, que m’importait le mécontentement de l’un ou de l’autre ? Et voici que le roi Henri a reçu l’ambassadeur de France, et, de plus, à ce que l’on m’apprend, Charles-Quint, malgré ses promesses, a élevé à la pourpre son précepteur, Adrien. C’est la reine à qui je dois attribuer tout ce qui m’arrive : qu’elle meure donc, qu’elle meure, et comme mon ennemie et comme parente de l’empereur… Mais ce n’est pas assez : il faut aussi que je me venge du pape, qui n’a pas craint de m’enlever ce pouvoir auquel j’aspirais ; et pour cela, j’introduirai dans ce royaume une hérésie nouvelle. — Anne de Boleyn vient à propos, comme si elle m’eût entendu. Voyons, par un stratagème, si elle a le courage nécessaire pour me seconder. C’est en elle que repose tout mon espoir, et je saurai bientôt le succès réservé à ma vengeance.


Entre ANNE DE BOLEYN.
wolsey.

Que votre majesté, madame… Mais qu’ai-je dit ? Comme je viens