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JOURNÉE III, SCÈNE I.

don fernand.

Muley, l’amour et l’amitié ne passent qu’après la loyauté et l’honneur, et le roi est au-dessus de tout. Je vous engage donc à le servir et à m’abandonner. Je suis votre ami, et pour assurer votre honneur je me garderai moi-même ; et si quelque autre venait m’offrir la liberté, je refuserais, de peur de vous compromettre.

muley.

Fernand, vous mettez dans vos conseils plus de dévouement que de justice. Je sais ce que je vous dois, et je sais à quoi la reconnaissance m’oblige : ce soir tout sera préparé comme je vous l’ai dit. Soyez libre ; ma vie n’est pas trop pour payer la vôtre. Soyez libre, et puis je n’aurai rien à craindre.

don fernand.

Eh quoi ! serait-il bien que je me conduisisse de la sorte envers celui qui me témoigne une telle bonté ? que je déshonorasse l’homme qui me donne la vie ?… Non, non, et vous-même à votre tour je vous fais juge de ma conduite, en vous demandant vos conseils. Dois-je recevoir la liberté de qui s’expose en me la donnant ? Dois-je souffrir que vous oubliiez votre honneur pour ne songer qu’à moi ?… Parlez… répondez.

muley.

Je ne sais que vous dire. Je n’ose ni approuver vos scrupules ni les combattre. Je n’ose vous conseiller ni de rester ni de partir.

don fernand.

Je resterai… et pour mon Dieu et ma foi je me montrerai dans la captivité un prince constant.



JOURNÉE TROISIÈME.


Scène I.

Dans une maison de plaisance du roi de Fez.
Entrent LE ROI et MULEY.
muley, à part.

Puisqu’il m’est impossible de sauver Fernand à cause de tous ces surveillants que le roi a placés autour de lui, du moins, comme un véritable ami, je le remplacerai en son absence. (Haut.) Seigneur, vous savez avec quel zèle je vous ai servi sur terre et sur mer. Si j’ai mérité votre bienveillance, daignez m’écouter.

le roi.

Parle.

muley.

Fernand…