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LES TROIS CHÂTIMENTS EN UN SEUL.

don lope, à Elvire.

Pour que votre maîtresse se rassure, écoutez-moi.

elvire.

À quoi bon ? adressez-vous, si vous voulez, à ma maîtresse, fantastique brigand, puisque vous avez touché son cœur ; mais moi, comme je n’éprouve rien pour vous, laissez-moi tranquille.

don lope, à doña Violante.

La peur vous abuse. Je suis le fils de la maison, et je venais trouver doña Blanca pour lui dire ce que déjà vous savez ; car mon intention, mon désir est que don Mendo sollicite pour moi la faveur qu’il m’a promise. Je suis entré dans cette chambre avec la clef que j’en possède, ne songeant nullement que je pourrais vous y rencontrer. Et maintenant que j’ai dissipé vos doutes, daignez m’apprendre à votre tour comment il se fait que je vous vois ici.

doña violante.

Ce que vous venez de me dire, je le savais déjà ; mais je me suis tout d’abord laissée emporter plutôt à ce que j’imaginais qu’à ce que je savais. Et même à présent que je suis tout à fait désabusée, j’ai peine à remettre mes sens ; car en m’ôtant une crainte, vous m’en avez donné une autre : vous ne m’effrayez pas moins dans la réalité que dans mes rêves ; illusion ou vérité, je tremble sans cesse devant vous. — Je demeure dans cette maison ; ceux de nos serviteurs qui sont venus devant l’ont prise pour nous. Votre père, à ce que je crois avoir entendu dire, occupe un autre appartement. Si c’est lui que vous cherchez, retirez-vous, je vous prie ; faites-moi la grâce de vous éloigner.

don lope.

Bien que j’aie donné, je l’avoue, à votre beauté céleste toutes les adorations de mon cœur, c’est avec le dévouement le plus pur et le plus noble, c’est avec le respect le plus absolu, avec la plus entière soumission, et ce même amour, avec lequel je vous adore, fait en même temps que je vous obéis. Ainsi, madame, adieu, et daignez vous rappeler que vous seule au monde avez dompté ma volonté et contenu mon audace.

doña violante.

Adieu, et sachez, vous aussi, que je vous suis reconnaissante de votre conduite généreuse, et que vous seul au monde m’avez inspiré un sentiment tendre.

don lope.

Ô bonheur !… que ne puis-je le payer de ma vie !

doña violante.

Voulez-vous le reconnaître dignement, don Lope ?

don lope.

Oui.

doña violante.

Eh bien, partez, et au plus tôt.