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JOURNÉE III, SCÈNE I.

charment ou déplaisent suivant qu’on les regarde sous tel ou tel jour. Aujourd’hui vous me voyez sous un jour favorable, et vous êtes bien porté pour moi. Demain, en me voyant sous un jour différent, vous me haïriez peut-être. Il me suffira de vous dire que, quant à ce que vous avez cru que j’étais la dame de don Louis, vos soupçons étaient mal fondés ; je vous l’atteste sous serment.

don manuel.

Mais alors, madame, quel motif aviez-vous de vous cacher de lui ?

angela.

Je puis être une femme principale qui craignait d’être compromise si don Louis l’eût reconnue.

don manuel.

Eh bien ! dites moi seulement par quel moyen vous pénétrez dans la maison que j’habite.

angela.

Cela même, je ne puis pas encore vous le dire. Il y aurait le même inconvénient.

béatrix, à part.

C’est le moment d’entrer en scène. doña Angela.) Voici l’eau et les confitures ; votre excellence voudrait-elle… ?

Les dames s’approchent portant des serviettes, de l’eau, et des conserves dans de petites caisses.
angela.

Quelle impertinence ridicule !… Qui se nomme ici excellence ?… Voulez-vous par là faire croire au seigneur don Manuel que je suis une grande dame ?

béatrix.

Mais, madame…

don manuel, à part.

La suivante s’est oubliée, et me voilà un peu instruit. Je crois maintenant et je dois croire que c’est une grande dame qui cachait sa position, et qui a su obtenir le secret à force d’or.

On entend la voix de don Juan, et tout le monde se trouble.
don juan, du dehors.

Ouvrez, Isabelle ; ouvrez.

angela.

Ô ciel ! quel est ce bruit ?

isabelle.

Je me meurs.

béatrix.

Je tremble.

don manuel.

Le ciel me protège ! je ne suis pas encore à bout de soucis.

angela.

Seigneur, voilà mon père.