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JOURNÉE II, SCÈNE III.

aux jaloux. — Dieu puissant, protége-moi, car je suis embrassé d’amour, et je succombe à la jalousie.

Il sort.
angela.

Voilà qui est convenu. Demain, sans retard, nous dirons que vous êtes partie.


Entre DON JUAN.
don juan.

Ma sœur ? et vous, belle Béatrix ?

béatrix.

Nous nous étions aperçues de votre absence.

don juan.

Si j’ai pu obtenir un tel bonheur, madame, que votre brillant soleil ait remarqué mon absence, — bonheur que je ne méritais pas et que je dois à votre seule bonté, — je serai tout à la fois mécontent et envieux de moi-même.

béatrix.

Je ne veux pas vous contredire, don Juan ; mais je suis bien sûre que vous avez eu quelque autre part des distractions assez puissantes. Et si nous en avions le loisir, je vous prouverais, ce me semble, qu’un homme ne peut pas être de lui-même tout ensemble et mécontent et envieux.

don juan.

Je crains, Béatrix, de vous faire injure en vous rendant compte de ma conduite. Sans cela il me suffirait de vous dire que j’étais tout à l’heure avec don Manuel occupé de son départ… Il va nous quitter.

angela.

Ah ! mon Dieu !

don juan.

D’où vient ce trouble, ma sœur ?

angela.

Parfois une nouvelle agréable nous donne autant d’émotion qu’une mauvaise.

don juan.

Je regrette alors de n’avoir pas une nouvelle complétement agréable à vous donner ; car don Manuel reviendra demain.

angela, à part.

L’espoir renaît dans mon âme. (Haut.) Je m’étonnais tout à l’heure que nous eussions été dérangées pour si peu de temps.

don juan.

Il suffit qu’une chose me fasse plaisir pour que vous et don Louis en soyez affligés.

angela.

Je pourrais vous répondre ; mais j’aime mieux vous prouver mon affection, en favorisant votre amour. (Bas, à Isabelle.) Viens, Isa-