Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome III.djvu/183

Cette page a été validée par deux contributeurs.
173
JOURNÉE II, SCÈNE III.

voulait entrer, don Juan en a une autre. — (À part.) Ce n’est qu’à regret que je pars sans savoir le secret que l’on m’avait promis. Mais l’honneur et l’augmentation de ma maison exigent cette absence, et le reste n’est qu’un vain plaisir. Je n’ai donc pas à balancer : là où se trouve l’honneur, le reste ne compte pas.

Ils sortent.

Scène III.

Un autre appartement.
Entrent DOÑA ANGELA, DOÑA BÉATRIX et ISABELLE.
angela.

Voilà ce qui t’est arrivé ?

isabelle.

Un moment j’ai cru tout perdu… et en effet, si l’on m’eût vue là, notre tromperie était nécessairement découverte. Mais je me suis échappée comme je vous ai dit.

angela.

La chose est assez plaisante.

béatrix.

Et ce qui doit servir encore à l’abuser, c’est de se voir en possession de la corbeille, sans avoir aperçu la personne qui l’a apportée.

angela.

Si après cela j’obtiens le rendez-vous dont je vous ai parlé, je n’en doute pas, il en deviendra fou.

béatrix.

L’esprit le plus sage et le plus pénétrant s’y trouverait dérouté. — Pauvre homme ! l’envoyer chercher sans lui dire où on le mène… et puis se trouver en présence d’une dame belle, spirituelle et riche, sans la connaître et sans savoir sa demeure… car vous avez dit qu’il s’en retournerait ensuite les yeux couverts d’un bandeau… Voila de quoi redoubler toutes ses incertitudes ?

angela.

Tout est déjà prêt, et si vous n’eussiez été ici, nous aurions commencé cette nuit même.

béatrix.

Avez-vous donc craint mon indiscrétion ?

angela.

Non, ma chère, ce n’est pas pour cela. Mais comme mes frères vous adorent et qu’ils vous voient dans la maison, ils n’en sortent plus, tournés sans cesse vers vous, comme vers leur étoile favorite, et ce serait peu raisonnable de tenter l’aventure sans qu’ils soient absents.


Entre DON LOUIS. Il s’arrête derrière la tapisserie, qu’il soulève légèrement, de manière à n’être pas aperçu.
don louis.

Ô ciel ! que ne puis-je dissimuler mon amour, mettre des limites