Il suffit ; vous êtes prévenu ; je pourrai désormais vous aviser quand j’aurai besoin de vos services.
Un moment… encore un mot.
De quoi s’agit-il ?
Il faut que vous sachiez, seigneur don Pèdre, que j’ai à Valence des parens et des amis. C’est pourquoi, jusqu’à ce que je connaisse quel est votre adversaire, ni le marquis ne peut rien m’ordonner contre mon honneur, ni moi je ne puis rien promettre qui tourne contre moi-même.
L’observation est digne de votre noblesse et de votre prudence ; et, bien loin de m’en plaindre, je vous en remercie et vous en estime davantage. Et afin qu’il n’y ait plus de mystère entre nous, quelles sont vos relations avec un certain don Diègue Centellas ?
Des relations de simple connaissance. Rien de plus.
Bon ! c’est mon rival.
D’après cela, vous n’avez pas d’objection ?
Je n’en ai plus.
Donc, cet homme (combien il m’en coûte de le répéter !) fut une nuit laissé pour mort dans ma maison, de sorte que je ne pus me venger, car c’eût été une lâcheté de frapper de mon épée un cadavre ; et je secourus mourant celui à qui, debout, j’aurais donné mille morts. La justice arriva, mais je ne voulus former aucune plainte ; un homme comme moi ne se venge pas avec de vaines procédures. Au milieu du tumulte, ma fille disparut : vous le dire est pour moi une nouvelle honte. Malheur sur le premier qui inventa une loi si rigoureuse, un contrat si injuste, une association si impie ; qui fit un partage si inégal entre l’homme et la femme, et soumit notre honneur au caprice d’autrui !… Bref, ma fille disparut, et quoique dans ma disgrâce j’aie eu deux offenseurs, c’est don Diègue que je poursuis, et cela pour deux motifs : d’abord, parce que j’ignore qui est l’autre, et que le premier que j’atteins doit le premier recevoir son châtiment ; et ensuite parce qu’on m’a dit dans toutes les auberges de la route qu’il était passé, avec une dame et un domestique, un cavalier qui cherchait à se cacher. Or, d’après les renseignemens qu’on m’a donnés, cette dame est ma