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LE GEÔLIER DE SOI-MÊME.

la colère du roi, le rendre à la liberté ; qu’un cheval rapide l’attendait à la porte de la tour, qu’il n’avait qu’à s’élancer dessus, et qu’il serait bientôt hors de l’atteinte de ses ennemis. À quoi il a répondu qu’il était sensible à tant de bontés, qu’il en conserverait une éternelle reconnaissance ; mais qu’en entrant en prison il avait fait serment de ne point chercher à s’évader, et qu’il voulait tenir parole.

hélène.

Vous avez écouté avec attention ?

frédéric.

J’ai été présent à tout ce qui s’est dit, et j’ai tout entendu aussi distinctement que si j’avais parlé moi-même. Si elle vous rapporte la chose autrement, que votre altesse n’y ajoute aucune foi.

hélène.

Elle vient. Prenez garde d’être vu par elle.

frédéric.

Que le ciel fasse réussir votre projet !

Il sort.
Entrent L’INFANTE et SÉRAPHINE.
l’infante.

Oui, Séraphine, le roi mon père va venir à Mirador pour voir où en est ma tristesse, et j’attends de toi ce que je t’ai demandé, c’est-à-dire j’attends que tu instruises mon père de mes vrais sentimens ; cela est pour moi de la dernière importance

séraphine.

J’obéirai, madame. — Eussé-je dû mourir mille fois, jamais je n’aurais révélé votre secret, et à présent je ne le dis que parce que vous l’exigez. (À part.) Ma foi ! c’est assez beau d’avoir gardé le silence aussi long-temps !

Elle sort.
hélène.

Eh quoi ! vous êtes seule, ma cousine ?

l’infante.

Oui, charmante Hélène ; j’essaye de me distraire ainsi des ennuis qui m’accablent. L’amour est un philosophe dégoûté du monde qui cherche la solitude.

hélène.

Nous nous sommes promis de nous faire à la première occasion nos confidences mutuelles.

l’infante.

Eh bien ! si vous le permettez, je commencerai, car je n’en ai que pour un moment.

hélène.

Je vous écoute de toute mon attention.

l’infante.

Sur la renommée du prince Frédéric, j’ai éprouvé le plus vif désir