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LE GEÔLIER DE SOI-MÊME.

premier soldat.

Vous êtes connu, monseigneur.

le capitaine.

Nous savons maintenant, monseigneur, que vous êtes le prince de Sicile.

benito.

Vous le dites tous ?

roberto.

Oui, certes.

benito.

Eh bien ! tous, vous en avez menti ; car parmi toutes les femmes de ma connaissance je ne connais pas de Cécile[1], — hormis tant seulement la fille du maître berger de mon endroit. C’est la vérité pure.

roberto.

Quoi ! vous persistez à dissimuler avec moi, votre serviteur dévoué, dont la fidélité ne craint pas la comparaison avec celle d’Achates[2] ?

benito.

Bon ! maintenant voilà qu’il me parle d’Agathe[3]. En vérité, c’est à me faire perdre la tête. Ah çà, homme ou démon, explique-toi, que me veux-tu ?

roberto.

Sire, le prince Frédéric, mon maître, est d’une obstination rare. II est aussi obstiné qu’il est courageux, et quand une fois il s’est mis quelque chose en tête…

le roi.

Qu’on le mène à la tour de Belflor, et qu’on le remette aux mains de la princesse Hélène. Mais j’entends qu’elle le traite avec douceur ; je ne veux pas que cette prison soit trop sévère ; ce doit être une sorte d’hospitalité. (Bas, à Roberto.) Je traite mon ennemi comme si je voulais qu’il devînt mon gendre.

roberto.

Cela est tout simple ; car fort souvent un gendre est un ennemi.

le roi.

Et que Roberto soit enfermé avec lui. Il sera agréable au prince de le voir et de lui parler. — Dites à Hélène que je le lui recommande, et que je saurai la récompenser de tout ce qu’elle fera pour lui. (À part.) J’arrange le tout de mon mieux pour Marguerite… Ô femmes, combien vos fantaisies ont d’influence sur les projets des hommes !

  1. Que no conosco à Cecilla, etc., etc.

  2. Ceux de nos lecteurs qui ont lu l’Éneide de Virgile connaissent le fidèle Achates.
  3. Dans l’espagnol Benito au lieu du mot Acates, entend acicates, lequel mot signifie des éperons arabes.