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LE GEÔLIER DE SOI-MÊME.


Scène III.

À Naples. — Un salon du palais.
Entrent L’INFANTE, SÉRAPHINE et LE ROI.
l’infante.

Laissez-moi mourir.

le roi.

Mais songez donc, infante…

l’infante.

Sire, ce que je désire le plus, c’est la fin de mes maux, c’est la mort.

le roi.

Hélas ! une douleur aussi forte, et à laquelle tu ne cherches pas à résister, t’aura bientôt tuée.

l’infante.

Plût au ciel !… plût au ciel que mes peines finissent bientôt avec ma vie !

le roi.

Tous nous pleurons la mort de Sforze, tous nous le regrettons, tous nous demandons vengeance au ciel… Mais enfin nous renfermons notre douleur dans de justes limites, loin de nous y abandonner avec une violence aussi déraisonnable.

l’infante.

Nous ne sentons pas également ; et je sais mieux que vous quel est mon malheur.

le roi.

Consolez-vous, ma fille. Si l’on peut atteindre le traître, vous aurez satisfaction : il périra.

l’infante, à part.

Hélas !… Ô mon bien ! ô Frédéric !

le roi.

Eh bien ! que répondez-vous ?

l’infante.

Suivez vos projets, mon père, je ne puis que les approuver ; faites chercher le traître, et qu’il périsse. (À part.) Ô ciel ! ne le permets jamais ! (Haut.) Mais c’est en vain que je voudrais oublier ma peine, tous les efforts que je fais pour la chasser de ma mémoire l’y rappellent plus vivement[1].


Entrent LE CAPITAINE DES GARDES et ROBERTO.
le capitaine.

Sire, votre majesté ayant fait publier qu’on punirait comme rebelle quiconque ne découvrirait pas le meurtrier, ou ne dirait pas

  1. Dans le texte Calderon a donné à cette pensée des développemens qu’il nous a été impossible de reproduire, tant ils ont de subtilité.