tachement ?… Pourrai-je voir que sa renommée souffre, sans lui offrir ma vie pour l’aider à se venger ? Pourrai-je sans cesse entendre murmurer autour de moi que ce Castillan aime Léonor, qu’il la courtise, et qu’elle l’encourage, et le lui laisser ignorer, quand je le sais ?… Non, certes ; et s’il était satisfait, comme son honneur est le mien, je me chargerais de la vengeance, et je tuerais sans délai le Castillan. J’y mettrais la prudence nécessaire, et l’on ne saurait pas pourquoi je l’ai tué… Mais pour qu’il y ait réparation véritable, il faut que le bras qui châtie soit le bras de celui qui a reçu l’injure… Je dirai donc clairement à don Lope qu’il ne se mette pas à la disposition du roi, qu’il est important qu’il ne s’absente pas de Lisbonne… Mais s’il me demande la raison de cela, que lui répondrai-je ?… Rien ; car celui qui dit à un homme honorable que son honneur est en péril, celui-là même le déshonore… Que doit donc faire un ami dans ma position ? Si je me tais je l’offense, je l’offense si je l’avertis, je l’offense encore si je punis son outrage… Hélas !… — Mais le voici qui vient. Il n’aura pas à se plaindre de moi ; ce sera lui-même qui me conseillera ma conduite.
Retourne-t’en à la maison de plaisance, Manrique, et dis que je ne tarderai pas moi-même à m’y rendre, que j’attends le moment de parler au roi.
Voilà le seigneur don Juan qui désire vous parler.
Que sera-t-il donc arrivé ? à quel propos peut-il être venu ? (Haut.) Eh bien ! don Juan, qu’y a-t-il de nouveau ? (À part.) Oh ! qu’un homme est craintif quand il interroge sur son malheur !
Don Lope, mon ami, je viens, — nous serons seuls ici, — me consulter avec vous sur une affaire délicate.
Recueillons nos forces pour entendre le récit de mes disgrâces. (Haut.) Parlez.
Un ami m’a demandé mon opinion sur une question que je n’ai pas voulu résoudre sans m’être éclairé de votre avis.
Je tremble ! (Haut.) De quoi s’agit-il ?
Voici le fait. Un de ces jours passés, deux gentilshommes étant à jouer ensemble, un doute s’est présenté sur un coup, et à cette occasion l’un d’eux a donné un démenti à l’autre ; comme c’était au