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JOURNÉE II, SCÈNE I.

joie que je trouve en ce lieu. — Permettez-moi, je vous prie, de baiser votre main plus blanche que la neige.

estrella.

Cela n’est pas convenable.

astolfe, à part.

S’il lui prend la main, je suis perdu.

deuxième valet.

Je connais les secrets sentiments d’Astolfe, et je veux le servir. (À Sigismond.) Songez, seigneur, qu’en présence du prince Astolfe, il n’est point juste que votre altesse…

sigismond.

Ne vous ai-je point dit de ne pas vous mêler de mes affaires ?

deuxième valet.

Je vous dis ce qui est juste.

sigismond.

Ne m’ennuyez pas. Je ne trouve de juste que ce qui est selon mon bon plaisir.

deuxième valet.

Il n’y a qu’un moment, seigneur, vous disiez qu’il ne faut obéir à son prince qu’en ce qui est juste.

sigismond.

Vous devez aussi m’avoir entendu dire que je jetterais par la fenêtre le premier qui m’ennuierait.

deuxième valet.

On ne traite pas ainsi un homme de ma sorte

sigismond.

Vive Dieu ! je vais vous prouver le contraire.

Il l’enlève dans ses bras et court vers le balcon.
astolfe.

Qu’est-ce donc ?

estrella.

Empêchez-le tous.

Elle sort.
sigismond, revenant.

Le voilà dans la mer, Vive Dieu ! je lui ai montré que cela n’était pas si difficile.

astolfe.

Mesurez un peu mieux votre conduite. S’il y a loin d’une bête sauvage à un homme, il n’y a pas moins de distance des montagnes à un palais.

Il s’éloigne.
sigismond.

Prenez garde ! si vous avez tant de présomption, votre tête risque de se gonfler et de ne plus tenir dans votre chapeau.

Astolfe sort.