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L’ALCADE DE ZALAMÉA.

crespo.

Cette épée vient à propos… Maintenant, je pourrai sauver mon honneur, puisque je puis les poursuivre… Lâchez votre proie, infâmes traîtres !… J’aurai ma fille, ou il m’en coûtera la vie.

le sergent.

Tous tes efforts seront inutiles ; nous sommes en nombre.

crespo.

Mes malheurs sont en nombre aussi ; et tous combattent avec moi !… Mais, hélas ! la terre manque sous mes pas.

Il tombe.
rebolledo.

Tuons-le.

le sergent.

Non pas ! ce serait par trop dur de lui enlever en même temps la vie et l’honneur… Le mieux est de le lier et de l’emporter dans le plus épais du bois, afin qu’il ne puisse pas donner l’alarme.

isabelle, du dehors.

Mon père ! mon père !

crespo.

Ma fille !

rebolledo.

Emportons-le comme tu as dit.

crespo.

Ô ma fille ! je ne puis te suivre que de mes soupirs !

On l’emporte.
isabelle, du dehors.

Mon père !

crespo, du dehors.

Ma fille !


Scène V.

Une forêt.
Entre JUAN.
juan.

Quelle est cette voix ?… quels sont ces gémissemens ?… À l’entrée du bois, mon cheval s’est abattu, et je suis tombé avec lui… J’entends d’un côté de tristes cris, et de l’autre des gémissemens lamentables ; et ces voix étouffées, je ne puis les reconnaître… Deux nécessités pressantes invoquent mon courage… deux êtres souffrans m’appellent à leur secours… Mais l’un est une femme ; c’est elle qu’il faut d’abord secourir. Je suivrai ainsi le double précepte de mon père : « Tirer l’épée quand le motif est grave, et honorer les femmes. »