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la charge de plusieurs laboratoires, et devant prévoir un repli éventuel, Paul Langevin met à profit l'illusoire répit des premiers mois de 1940 pour chercher un centre d'accueil dans les Universités du Sud de la France.

La catastrophe redoutée se produit : l'exode le trouve calme et ferme. Après la mise en sûreté des appareils de laboratoire les plus précieux, il assure à Toulouse, avec le concours d'amitiés dévouées, l'installation de tout son personnel. Il s'occupe de chacun, encourage, réconforte, trouvant le moyen de mettre de la bonne humeur au milieu de la plus mauvaise fortune. Hélas, au bout de quelques jours, c'est l'effondrement. Aux Français atterrés, une voix chevrotante annonce l'Armistice. Mais aussitôt après, une autre voix venant de loin, énergique celle-là : « La France a perdu une bataille ; elle n'a pas perdu la guerre... ». Un instant, Paul Langevin songe à partir pour l'Angleterre, mais il hésite, craignant des représailles pour les siens. Pourtant, pressé par quelques-uns qui savent depuis longtemps qu'il est sur la « liste noire » des Allemands, il fait une tentative... trop tardive. Rappelé par le Ministère, il rentre alors à Paris reprendre ses fonctions. Et, fin octobre, après seulement deux cours au Collège de France, les nazis se présentent à l'Ecole. Incroyable mais vrai : rien n'a été prévu pour organiser sa fuite! Il ne songe d'ailleurs pas à se dérober. Emmené par un itinéraire aberrant, mis au secret dans une cellule de droit commun, pendant trois semaines privé de lumière, de lecture, de matériel pour écrire, il fait des calculs sur des papiers de fortune avec des bouts d'allumettes trempés dans une poudre de charbon obtenue du médecin de la prison. Son courage tranquille fait l'admiration des gardiens, heureusement français, par qui on apprend où il se trouve. Après ces semaines d'attente anxieuse, il subit un long interrogatoire auquel il fait de fières réponses. On l'accuse d'être « aussi dangereux pour l'hitlérisme que les philosophes français du XVIIIème siècle l'ont été pour la monarchie ». Quoi de plus flatteur pour un grand penseur? Paul Langevin en sourira souvent en rappelant ces instants.

Cette arrestation — la première en date parmi celles de grands intellectuels — donne le signal de la résistance universitaire. Plusieurs collègues protestent ; Joliot, qui est depuis peu d'années professeur au Collège de France, suspend son cours ; des manifestations d'étudiants et de lycéens s'