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dès la fin des hostilités, de nouveaux rebondissements, en raison des travaux poursuivis par Einstein en Suisse, où il avait dû se réfugier pour avoir refusé de signer le fameux Manifeste des intellectuels allemands. La nouvelle théorie, dite de relativité généralisée, exigeait, après l'abandon du temps absolu, celui de l'espace absolu de la géométrie euclidienne : d'après les conceptions d'Einstein, l'espace n'est pas une donnée a priori, un cadre rigide aux propriétés intangibles ; au contraire, tout ce qui s'y trouve contenu influe sur les propriétés du cadre lui-même, ce qui implique l'utilisation de géométries très différentes de celle d'Euclide.

Cette théorie souleva de la part des savants, en dépit du succès de la précédente, des objections encore plus véhémentes ; car elle nécessitait un bouleversement encore plus radical, une véritable révolution dans les habitudes ancestrales de l'esprit humain. Paul Langevin, dont l'audace intellectuelle ne reculait devant aucun effort d'adaptation de pensée, considéra cette idée comme la plus géniale du grand savant, et se mit avec ardeur à l'enseigner, menant pendant plusieurs années ce que ses élèves se plurent à appeler la « bataille de la relativité ». Mais il dut le faire dans une atmosphère d'hostilité souvent bien étrangère aux seules difficultés réelles de la théorie. Désireux d'honorer l'ami qu'il admirait autant pour son courage que pour son génie, il lui fallut triompher du chauvinisme de plusieurs de ses collègues pour obtenir qu'Einstein fût invité officiellement à venir faire au Collège de France, en 1922, une conférence sur ses derniers travaux. Lui-même, l'année suivante, accepta sans hésiter une invitation des républicains allemands à aller prendre la parole dans plusieurs de leurs réunions : cela lui fut interdit (de même qu'à Einstein) par le préfet de police de Berlin, mais il fit lire en sa présence la traduction de ses allocutions.

Le même esprit réactionnaire et chauvin régnait alors au sein de l'administration Solvay, où même Einstein ne fut invité qu'au deuxième colloque d'après-guerre, en 1924 — seul Allemand admis, venant d'ailleurs de Leyde où, ayant dû fuir à nouveau son pays, il avait accepté un poste de professeur. Cependant, plusieurs savants allemands, et aussi des Soviétiques, en dépit de conditions générales peu propices, poursuivaient des travaux de si grande importance que le Conseil de 1927 dut cette fois réunir l'équipe internationale tout