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sentiment de la vie ne se répand plus au-dehors ; une nécessité fatale replie sans cesse le vieillard sur lui-même : et ne voit-on pas que cet égoïsme, qu’on lui reproche, est l’ouvrage immédiat de la nature ?

Mais si le vieillard n’existe qu’avec peine[1], il agit avec bien plus de peine encore : il ne rencontre par-tout que des résistances. Les corps extérieurs semblent prendre, à son égard, une force d’inertie, à chaque instant plus invincibles. Ses propres organes se refusent aux ordres de sa volonté. Tout le ramène de plus en plus, au repos : jusqu’à ce qu’enfin l’absolue impossibilité de soutenir, même les foibles impressions d’une vie défaillante, lui rende nécessaire et désirable ce repos éternel[2] que la nature ménage à

  1. Sentir, et sur-tout sentir distinctement, est un véritable travail pour lui. L’organe nerveux n’a plus assez de souplesse et d’agilité pour saisir, combiner et distinguer beaucoup de sensations à-la-fois. Les vieillards, ceux même qui ont conservé le mieux leurs organes et leurs facultés, n’entendent que du bruit dans la conversation de plusieurs personnes.
  2. Quelques personnes, qui se disent pieuses, ont amèrement censuré cette expression, qui cependant est littéralement traduite d’une prière de l’église pour les morts.