Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/379

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les rassemble dans une cuve de chêne, les mêle, les presse, en fait jaillir une liqueur généreuse et s’enivre lui-même des vapeurs qui se dégagent. — Quand il a fini sa tâche, il jette sur la cuve un drap blanc, et s’endort.

» Je vois un conquérant d’une puissance surnaturelle qui comprime les sociétés anciennes, les peuples d’Orient et les peuples d’Occident, sous un même joug. Il les foule aux pieds, les tyrannise, les confond, extrait de leurs vaisseaux du sang rouge et du sang noir, et s’enivre de son odeur. — Quand il a fini sa tâche, il couvre le monde d’un linceul, et s’endort.

» Horreur ! le vigneron et le conquérant sont rougis de la tête aux pieds.


» Je vois le vin, le vin trouble qui bouillonne et rejette par-dessus les bords de la cuve tout ce qu’il contient d’impur. Cette fermentation dure bien du temps. Puis la liqueur nouvelle devient limpide et fait la joie des hommes qui trinquent autour.

» Je vois l’Humanité qui se débat, s’agite et chasse de son sein toutes les tyrannies qui gênaient sa marche. Cette confusion de races et d’idées ne dure pas qu’un siècle. Puis les sociétés libres et heureuses fertilisent la terre et se développent pacifiquement sur elle.


» Je vois le vigneron qui s’éveille et s’étonne de trouver son travail fini. Il répand sur le sol le