Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome II.djvu/316

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nous embrassions dans le sein de la mort ! À quoi bonnes ma jeunesse et ta beauté ?… L’exilé n’est pas de ce monde !

Enfant, j’aurais traité d’insensé qui m’aurait tenu ce langage. Et maintenant que je suis homme, je ne puis me le reprocher.

Ô Fatigue, petite fille dormeuse qui te frottes les yeux comme s’ils étaient pleins de sable, qui t’accroches par la robe à toutes les épines de mon chemin, Fatigue, que tu es lourde à traîner après soi !


II


Nous voyons les objets au microscope de nos sentiments intimes. La douleur légitime le blasphème. Quand notre âme est 191 triste, les joies de l’univers ne parviendraient pas à nous arracher un sourire ; elles ne servent qu’à nous irriter.

Aussi dirai-je : à chaque climat ses fruits. Que le spleen grisonnant reste dans l’Angleterre brumeuse ; il n’a pas besoin de soleil, de fêtes et de consolations. — Que viens-je donc faire ici ?


Depuis cinq ans, l’Ennui s’attache à moi, la Solitude dort à mes côtés, la Médiocrité me traverse l’âme à coups d’épingle. J’apprends chaque jour à maudire ; mon œil et ma pensée s’accoutument à lire à la lumière sombre, dans les ténèbres qui m’effrayaient tant autrefois.

Et de même que la pupille des oiseaux aveugles