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restez simples et braves, sourds aux conseils de la peur et de la cruauté. Ne déboisez plus les montagnes, ne morcelez plus les vallées, n’assommez plus les bestiaux. Dans vos républiques souveraines qu’on ne bastonne plus, qu’on n’exerce plus la justice sanglante du Très-Haut et du glaive, qu’on ne traque plus les proscrits, qu’on ne fasse plus la police pour les empires.

Croyez-vous, dites-moi, qu’au siècle de Guillaume, le dernier des bergers eût livré Melchtal comme aujourd’hui nous livrent les premiers de vos conseils ? Il ne l’eût pas fait, certes. Car la Suisse entière l’aurait lapidé comme un infâme traître, elle l’aurait renié comme la mère désolée renie son fils couvert de déshonneur. 126 Et les ruisseaux des plaines et les torrents des monts fuyant devant sa soif lui auraient répété :

Tu ne boiras pas de sang !

Et le jour de sa mort, la nature satisfaite eût chanté :

Dansez, grandes Alpes ! Ruisseaux, souriez gaîment ! Et vous bergers chantez, chantez la joyeuse yoûlée !

Et parmi les sapins, la trompe du pâtre eût redit bien plus fort :

Liauba ! Liauba ! por aria !