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Là s’épanouit le grave landamann. Ici le colonel fédéral relève militairement sa moustache frisée. Le conseiller d’état discute, chiffres aux lèvres, la question des finances. Le paysan l’écoute d’un œil narquois, et met par précaution sa main sur son gousset. Le galant carabinier plaisante avec les jolies filles au noir corsage. Tout ce monde s’amuse, trinque et fume comme il faut.

Chantez, chantez la joyeuse yoûlée !


Les armaillis, les robustes compagnons au gilet rouge, au bonnet de soie verte, enlèvent rudement la danse nationale et la valse allemande, la blonde langoureuse qui se penche mollement au bras du cavalier.

Les enfants essaient leurs pas à la rustique mesure du fifre et du tambour. Qu’elles sont gracieuses, les petites filles aux cheveux ardents ! Qu’ils sont sauvages les petits bergers de l’Entlibuch !

Les vieillards s’entretiennent du temps jadis, des histoires glorieuses, de Guillaume Tell et de Winkelried. Les jeunes mères tendent à leurs nourrissons leurs blanches mamelles. Les larges noyers se penchent, se balancent, murmurent avec leurs feuilles des récits à la brise. Le roitelet plonge dans le buisson ardent avec son cri de fête, il est plus heureux qu’un grand roi. La nature est riante comme un paradis.

Dansez, grandes Alpes ! Ruisseaux, souriez gaîment ! Et vous bergers, chantez, chantez la joyeuse yoûlée !