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de l’électricité, les sources de lumière et de pluie ?… Qui le sait ?


Ce que je sais, moi, c’est que, laissant mon corps à la terre meurtrissante, bien souvent je m’envole sur vos ailes légères. Et je monte, et je monte tant que je puis souffler.

Ce que je sais encore, c’est que tout ce qu’on touche est souillure, malheur et désillusion. Et que les vraies joies, la pureté, l’extase et l’oubli de tout mal ne sont pas ici-bas.

Oublier ! Oublier le présent, oublier l’injustice, oublier qu’on existe, qu’il faut marcher, écrire et sourire et manger ! Allumer le Havane, l’aspirer, le caresser des lèvres, s’envelopper d’une auréole de bleus parfums ! Dans sa main assoupie prendre une main de femme, se pencher sur son cou, se perdre en ses cheveux, sentir battre son cœur ! Et n’avoir conscience de rien autre en ce monde ; ne pas ouvrir les lèvres, ne pas remuer d’un souffle ! Dire à la Mort : tu peux me prendre ! Dire à l’Amour : je suis à toi ! Dire au Passé : j’aimerais te revoir ! Dire à l’Instant : je voudrais te garder ! Dire au Futur : accours !… Qui le sait ? Qui le peut ?

C’est là ce qu’on appelle dédaigneusement vivre dans les nuages, vivre de poésie, songer creux, s’égarer, délirer, devenir fou.

Ah ! poseurs de chiffrailles, tortureurs de chicanes, tâteurs de pouls, traîneurs de sabredaches, porteurs de goupillons, avaleurs de bons-Dieux,