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Mœurs et esprit des Canadiens

torien fidèle, je suis obligé de diminuer votre gloire, en vous disant qu’il y a quelques années, une vieille Anglaise, qui vend ordinairement des légumes au marché, eut autant de courage que vous et comme vous, bravant toute décence, troubla volontairement la procession, et pourtant, personne ne lui donna des coups de canne, vous entendez, mon révérend. C’est toujours fâcheux qu’une femme vous ait précédé ; en fait de sottises, surtout, il vaut toujours mieux faire la première, et il n’y a pas pour vous beaucoup d’honneur, de n’avoir fait qu’imiter une vendeuse de légumes.

Vous avez des ennemis secrets, des gens dangereux, qui vous déchirent en affectant de vous disculper ; ces personnes disent (je vous le dis avec la plus grande douleur) elles disent… il m’en coûte à répéter ; mais enfin, il faut parler, quand on veut être entendu : elles disent que vous êtes fou, vous comprenez, mon révérend… ces gens-là disent, au lieu de meilleures raisons, qu’un homme qui serait dans son bon sens ne se donnerait pas ainsi en spectacle à toute une ville dans une circonstance semblable et d’une manière aussi indécente ; ils disent que le parcours de la lune approchait, ce jour-là, et que c’est un temps critique pour les cerveaux malades. À vrai dire, je ne vois pas de rapport entre toutes ces choses-là : et d’ailleurs, je n’approuve pas du tout que l’on croit défendre quelqu’un en l’accusant d’avoir perdu la tête. Mon révérend, je vous abandonne ces gens-là, si vous les rencontrez, donnez leur des coups de canne si vous voulez…