Page:Côté - Papineau, son influence sur la pensée canadienne, 1924.djvu/200

Cette page a été validée par deux contributeurs.
185
La Révolution Canadienne

briser les presses du « Vindicator », un journal patriote, et éparpillèrent les caractères dans les rues. Précieuse semence qui devait lever avant peu. Ces forcenés prenaient plaisir à terroriser les inoffensifs citoyens, les femmes, surtout. Parfois, on voyait un coin de la toile blanche collée aux vitres se soulever, et une coiffe en mousseline, un bonnet de coton apparaissaient effarés, ou l’œil d’un enfant blanc de peur interrogeait l’horizon.

La rue n’était pas sûre, dans les maisons on tremblait de frayeur. Au milieu de la nuit, des coups de poing retentissaient aux portes et faisaient trembler les contre-vent : — « Ouvrez vite, pour l’amour de Dieu, je suis poursuivi par les Anglais ! Cachez-moi… » C’était la voix d’un ami, d’un parent, d’un inconnu. On tirait le verrou en tout hâte, on mettait le fuyard entre deux paillasses, dans l’horloge, dans la cheminée, dans les placards. Quelles visions de sang, de larmes, de lueurs incendiaires, défilaient sans cesse devant les yeux de ces pauvres gens, la nuit comme le jour.

Ces premiers exploits des Fils de Liberté et l’approbation que leur donnait la presse excitèrent l’irritabilité des gouvernants. Les autorités lancèrent des mandats d’arrestation contre MM. Papineau, Nelson, O’Callaghan et Morin. Gosford offrait mille louis pour la tête de Papineau, 500 louis pour les têtes de S. Brown, E. B. O’Callaghan, C. H. Coté de Napierville, L. F. Drolet de Saint Marc, J. G. Girouard de Saint-Benoit, W. H. Scott de Saint-Eustache, Édouard Rodier, Amury Girod, suisse, Julien Gagnon de l’Acadie, Pierre Amyot de Verchères, Timothée Franchère de la Pointe-Olivier, Louis Perrault, A. Gauvin, Louis Gauthier, R. Desrivières, de Montréal.

Il se passa un incident qui ne mit pas les rieurs du côté des Anglais : M. Démarais et le Dr Davignon de Saint-Jean, ayant été accusés de haute trahison et poursuivis pour tel, par les agents du gouvernement, ne semblaient pas disposés à céder leur peau à bon compte. Le gouvernement chargea un détachement de la cavalerie volontaire de Montréal, sous les ordres du capitaine Moulton, d’aller arrêter les insurgés. Ces braves réussirent leur magnifique exploit. Le docteur