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la terre ancestrale

quelqu’un avec qui causer. Te souviens-tu des bonnes veillées que nous passions ensemble autrefois ? Tout nous était sujet à plaisir, car la vie était heureuse alors. Toi, tu imitais à s’y méprendre la voix et les gestes des originaux de la paroisse, tu savais découvrir tous leurs petits ridicules. Moi, je te faisais le potinage. J’avais toujours un tas de nouvelles à t’apprendre. Nous y mettions bien quelquefois un peu de malice, tu te rappelles ? Maintenant, la maison est bien tranquille et les veillées bien longues. Heureusement, j’ai mes travaux à l’aiguille et quelques livres. À propos de livres : tu devrais bien m’en envoyer quelques-uns ; il est si facile de se les procurer chez toi ; je t’enverrai l’argent. Nous ne voyons pas beaucoup de monde et faisons peu de visites ; on dirait que le deuil est sur la maison. Te rappelles-tu les joyeuses veillées de jeunes que nous faisions jadis ? La maison était alors pleine de nos amis ; c’était un plaisir fou. Papa même venait s’en mêler ; il se montrait aussi jeune et gai que nous tous.

Pauvre père ! il n’est pas aussi joyeux maintenant, il se tue à l’ouvrage, malgré les recommandations de maman. Nous avons bien un serviteur qui passe pour laborieux, mais père prétend que ce n’est qu’un cheval de plus à conduire. Il dit qu’il n’est pas intéressé, fait juste sa journée de travail, et que lui, le père, doit tout surveiller.